Ces talents féminins de la Belle Époque, trop longtemps ignorés reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène, ou du moins, suscitent un intérêt plus vif de la part des musiciens (surtout des musiciennes) et, dans une moindre mesure peut-être, du public.
C’est le cas de Mel Bonis, dont nous avons eu le plaisir encore récemment d’écouter l’interprétation du Duo Alma chez Klarthe.
Myriam Barbaux-Cohen nous propose ici, au travers de ce disque, un impressionnant parcours initiatique et chronologique.
Si l’album débute avec quelques premières compositions de jeunesse, à l’instar de cette valse « Etiolles » assez conventionnelle ou de l’impromptu «Gai Printemps », la personnalité et l’écriture de Mel Bonis deviennent rapidement plus complexes et personnelles. Les pièces pittoresques et poétiques sont autant de mélodies subtiles et touchantes, parfois très techniques.
Le jeu délié et sensible de Myriam Barbaux-Cohen est sans nul doute ce qu’il fallait pour magnifier ces compositions. On retrouve d’ailleurs avec bonheur ces sonorités lumineuses et chaleureuses du Bechstein D282 de concert.
Personnellement, et plus qu’avec Granados, j’ai pris la dimension avec Mel Bonis de la puissance émotionnelle du jeu de la pianiste française.
Car c’est quasiment une déclaration d’amour qu’adresse Myriam Barbaux-Cohen à Mélanie Bonis, non pas seulement par le biais de cette lettre posthume adressée à Mel Bonis, mais surtout par cette façon de s’imprégner de sa musique et d’en extraire une forme de délicate quintessence. Elle semble pleinement investie dans la réparation de ce préjudice, qui arrive malheureusement trop tard.
C’est en effet particulièrement triste que ces travaux artistiques n’aient jamais obtenu la reconnaissance qu’ils étaient sans aucun doute en droit de revendiquer. C’est tout aussi dommage d’avoir bridé pour des questions de bien-séance d’une autre époque ce fantastique potentiel artistique. Le monde évolue, mais bien trop lentement hélas…
Pour en revenir à la musique, dès la « Berceuse à ma petite Jeanne », c’est une explosion de raffinement et de délicatesse qui sort du clavier de Myriam Barbaux-Cohen.
Ces pièces courtes sont de petits morceaux de dentelle, finement ciselée.
Les pièces de concert sont sans doute un peu plus hétérogènes et offrent un intérêt variable. La « Barcarolle opus 71 » de 1906 est une petite pièce d’orfèvrerie, un shoot de romantisme à l’état pur.
Tandis que la « Cathédrale blessée » écrite 10 ans après, laisse entrevoir une évolution impressionniste, ainsi qu’une certaine amertume.
Un très joli programme, servie par une interprète investie, passionnée et tellement sensible. Il y a une grande humanité dans le jeu de Myriam Barbaux-Cohen. Un moment de grâce…
- Titre: Mel Bonis – Myriam Barbaux-Cohen.
- Artistes : Myriam Barbaux-Cohen (piano).
- Format: DSD 64 / SACD hybride.
- Ingénieur du son: Manfred Schumacher.
- Editeur/Label: ARS Produktion.
- Année: 2022
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Exceptionnel.