Le disque «Promenade» réunit deux cycles de piano emblématiques pour l’œuvre de leurs créateurs, les Préludes op.28 de Frédéric Chopin, composés lors d’une parenthèse majorquine en compagnie de Georges Sand, et les «Tableaux d’une exposition» de Modeste Moussorgski, écrits en hommage à son défunt ami Viktor Hartmann.
La pianiste helvético-hongroise Andrea Kauten a tenu à mettre en évidence ce qui relie tous les opposés attendus, tout ce qui va bien au-delà de quelques références évidentes de Moussorgski aux préludes de Chopin.
Mais c’est d’emblée la sonorité d’un Steinway & Sons particulièrement élégante qui nous capte, ainsi qu’un tempo lent permettant de savourer ces notes avec gourmandise. Un tempo plus rapide aurait d’ailleurs sans doute nuit à la cohésion avec les Tableaux.
Le prélude n°8 en fa dièse mineur est un vrai plaisir auditif, tant ce phrasé plus lent met en exergue sa structure. On pourra préférer le légato et la fluidité d’un Claudio Arrau, voire la vitesse d’un Alexandre Tharaud, pour ceux qui ont peur de louper le dernier métro, mais la lisibilité est sans conteste du côté de madame Kauten.
La goutte d’eau (qui fait déborder le vase) du Prélude n°15 est sans doute un peu trop mécanique, avec une main gauche un peu lourde. Mes références en la matière me font regretter un déficit de légèreté, comme si cette œuvre était ici à sens unique. Toute la délicatesse de Marta Argerich dans son interprétation du Prélude n°15 en ré bémol majeur démontre pourtant qu’un tempo lent n’est pas forcément synonyme de lourdeur. Le caractère « sostenuto » apparaît dans cet enregistrement de 1975 comme une évidence rare, le mouvement imprimé par la pianiste étant servi par des contrastes subtils. La grande Marta reste certainement pour moi une référence difficilement égalable dans ce prélude.
Mais Andrea Kauten ressuscite plus que de l’intérêt dans le prélude n°17 en la bémol majeur, et bien qu’elle ait tendance à jouer davantage andante qu’allegretto. Mais l’élan qu’elle insuffle vous emporte et ne vous lâche plus jusqu’au n°18, totalement immersif également.
Difficile exercice de style en fait que de trouver une continuité naturelle entre les Préludes opus 28 et les Tableaux d’une exposition, sauf à délibérément appesantir Chopin et alléger Moussorgski.
C’est en intégrant ces difficultés que la performance d’Andrea Kauten prend toute sa valeur, voire son attrait.
Et ce sont des tableaux particulièrement chantants, presque romantiques qui s’offrent à nos oreilles.
Après avoir été matraqué par des interprétations pesantes d’organistes, de pianistes, et même de joueurs de claviers électroniques, j’ai eu la sensation qu’Andrea Kauten ouvrait de nouvelles perspectives. On aurait presque parfois envie d’enrichir plus encore ces beaux accords qu’elle exécute de si belle manière dans La Promenade ou dans Bydlo.
La place du marché à Limoges fait presque penser à une version qui aurait été adaptée par Respighi, on constate ainsi cette proximité, plus ou moins marquée, vis-à-vis de la musique de Chopin.
J’ai beaucoup apprécié cet revisite d’un univers russe qui devient plus mystérieux et complexe. Cette vision hybride de ces deux incontournables de la musique du XIXème siècle ne devrait laisser de fait personne indifférent.
En ce qui me concerne, j’y adhère pleinement.
- Titre: Promenade.
- Artistes: Andrea Kauten (piano).
- Format: PCM 24 bit, 44,1 kHz
- Ingénieur du son: Sebastian Riederer von Paar.
- Editeur/Label: Solo Musica.
- Année: 2021
- Genre: Classique
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Discutable.