Il n’est jamais évident de commenter une création, surtout lorsque celle-ci prend source dans un générique d’une minute et demie destiné à un projet de série télévisée…
« Ariana » est née ainsi, et cette œuvre créée par Yves Levêque échappe à tous les styles, ou serait plutôt l’amalgame de nombreuses influences.
La forme de concerto pour piano fait immanquablement penser aux compositeurs russes, Tchaikovsky et Rachmaninov, avec un jeu très articulé, solide et fluide à la fois, de la pianiste Caroline Fauchet.
Mais certains passages orchestraux renvoient à des œuvres plus symphoniques, à Gershwin, à Grieg, ainsi qu’au genre cinématographique à l’instar de Michel Legrand ou John Williams.
Ce qui perturbe un peu est l’absence réelle d’un thème récurrent. « Ariana » est davantage une progression, voire une envolée vers un idéal musical, celui d’Yves Levêque…
Le troisième et dernier mouvement est sans doute le plus riche, mais garde une élégance naturelle, avec un piano lumineux, des éclats orchestraux, et des solistes ponctuant les passages orchestraux, qui me font penser à l’univers de Georges Gershwin.
Je pense que c’est en fait une soif immodérée d’élégance qui dicte finalement la plume d’Yves Levêque.
Le final à moitié en clin d’œil à John Williams et Star Wars, moitié en hommage à Tchaikovsky, nous rend presque triste car nous aurions aimé que cette grande fresque XXL se poursuive encore un peu.
La sonorité du Stenway de Caroline Fauchet est particulièrement chatoyante. La prise de son est d’ailleurs d’excellente facture, ce qui en fait un disque tout à fait recommandable pour notre lectorat audiophile.
C’est une sonorité puissante que celle de Caroline Fichet, avec des aigus aériens et un grave nuancé et profond.
L’interprétation des Prélude, Choral et Fugue de César Franck est tout aussi plaisante à l’écoute avec un piano extrêmement présent et puissant.
Le Prélude de Caroline Fauchet est vraiment touchant. Il est autoritaire tout en préservant une qualité de timbre ainsi que de subtiles nuances qui amènent une dimension émotionnelle forte.
Il y a en revanche quelques petites altérations du tempo dans la fugue (peut-être quelques notes trop appuyées également) qui font que le contrepoint n’est pas toujours aussi net qu’on pourrait l’espérer.
Néanmoins, les tonalités impressionnistes très élégantes, mises en valeur par l’excellente prise de son, apportent un vrai plus.
Il y a aussi beaucoup de puissance, bien plus par exemple que dans la récente version enregistrée par Nikolai Lugansky chez Harmonia Mundi en 2020.
Ces deux versions empruntent chacune un tempo assez lent dans la fugue.
J’avoue préférer partir sur un tempo plus rapide qui privilégie cet élan qui ne semble jamais se tarir, à l’instar des très belles versions de Bertrand Chamayou pour le label Naïve, ou bien encore celle d’Aldo Ciccolini chez Erato. Il y a davantage de progressivité dans le jeu de ces pianistes, ainsi que les moyens techniques de « tout lâcher » dans la fugue.
Il y a une forme d’uniformité dans le jeu de Caroline Fauchet qu’on remarque sur l’ensemble des deux œuvres enregistrées sur cet album, question de style et sensibilité personnelle sans doute.
Mais il est néanmoins difficile d’associer les qualités requises vis-à-vis du jeu pianistique d’un concerto inspiré des grands compositeurs russes avec celles qu’on attend dans les Prélude Choral et Fugue de César Franck.
C’est le seul petit bémol que j’indiquerais alors que je n’hésite pas une seconde à décerner un Grand Frisson pour Ariana, réalisation époustouflante et servie par une prise de son de grande qualité !
- Titre: Ariana.
- Artistes : Caroline Fauchet (piano), Yves Levêque (direction), Orchestre Colonne.
- Format: PCM 24 bit / 44,1 kHz.
- Ingénieurs du son: Julien Bassères, Dimitri Scapolan (prise de son).
- Editeur/Label: IndéSENS.
- Année: 2023
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Discutable.