Provocation ou simple pied de nez au culte de la vérité historique en musique classique, voire de la musique historiquement informée ?
Ces deux esquisses d’un concerto de jeunesse reconstruit par Willy Hess en 1943 et d’une symphonie tardive complétée par Barry Cooper en 1998, sont sans doute l’expression d’une seule vérité historique, celle selon quoi les grands compositeurs, et notamment Beethoven, ne tenaient pas vraiment à jour leur catalogue, ce qui ne manquera pas d’alimenter les polémiques et l’intérêt des chasseurs de perles musicales.
Le pianiste suisse Philippe Boaron est à l’origine d’un programme de concerts commémorant les 250 ans de la naissance de Beethoven en mettant en lumière ses nombreuses œuvres sans numéro d’opus – la signification du sigle WoO.
Il enregistre ce Concerto WoO 4 avec la Camerata du Léman, une partition de jeunesse du grand Ludwig dont la paternité semble plutôt confuse.
On constate dans cette œuvre des similitudes avec certains concerti de Mozart, même si la source d’inspiration semble hautement improbable.
Je l’ai néanmoins écouté comme tel, et j’avoue y avoir pris un certain plaisir.
Sans doute ces œuvres de jeunesse bénéficient de cette effet « bain de jouvence », créant de ce fait un véritable entrain chez l’auditeur.
Mais quand bien même la discographie de ce concerto reconstruit par Willy Hess est limitée, on ne manquera pas de remarquer que cette version brille par son dynamisme, sa précision contrapuntique et sa fraîcheur, s’avérant bien plus convaincante par exemple que celle de Joshua Pierce avec l’Orchestre Philharmonique Slovaque, et malgré que le jeu du soliste américain soit particulièrement subtil.
La dixième symphonie comporte moins d’incertitudes quant à ses origines.
L’œuvre fut commandée à Beethoven, via une intervention de Ferdinand Ries, par la Société philharmonique de Londres, pour laquelle avait été initialement écrite la neuvième symphonie, mais qui fut finalement dédiée au Roi de Prusse.
Le premier mouvement a été complètement exhumé des manuscrits laissés par Beethoven, malgré que ses notes et cahiers d’esquisses n’eurent jamais été bien ordonnés.
Ce premier mouvement a d’ailleurs été peu enregistré, et celui de l’orchestre de chambre du Léman revêt les mêmes tonalités vivantes et chaudes que le précédent concerto.
Il éclipse notamment l’interprétation de Walter Weller, dirigeant l’Orchestre Symphonique de Birmingham, publiée chez Chandos en 1988.
On y trouve davantage de couleurs, une part d’énergie fondamentale du grand Maître de Bonn, et, sans aucun doute, une cohésion imparfaite, qui ne sera clairement pas à la hauteur des neuf premières symphonies.
Il n’en reste pas moins que cet Andante réussit sans grande difficulté à captiver l’auditeur par la beauté des lignes mélodiques, ressortant sans doute avec davantage d’acuité lorsque l’effectif orchestral est réduit.
Aussi, pour tous ceux qui s’intéressent à ces œuvres orphelines et sans opus chez Beethoven, ce disque me paraît une proposition incontournable, tant par ses qualités artistiques que techniques.
Bravo !
- Titre : Beethoven Concerto n°0 / Symphonie n°10.
- Artistes : Philippe Boaron (piano), Camerata du Léman.
- Format: PCM 24 bit, 96 kHz.
- Ingénieur du son: Jean-Daniel Noir.
- Editeur/Label: VDE-Gallo / Cascavelle.
- Année: 2024
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.