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Beethoven Piano Sonatas n° 7, 23 & 28

C’est un pianiste discret que Jean-Nicolas Diatkine, ancien élève du compositeur Narcis Bonet. 

Loin du star système, il s’est néanmoins forgé une solide réputation, celle d’un interprète intègre et engagé.

Le voici aujourd’hui qui nous propose trois sonates de Beethoven, la 7ème opus 10 numéro 3, l’Appassionata (23 en fa mineur opus 57), et la 28 opus 101.

C’est toujours compliqué d’émettre un jugement de valeur sur ces sonates de Beethoven car tellement d’immenses pianistes les ont enregistrées que la question d’étalonner une artiste contemporain par rapport à ces nombreuses références est forcément délicate.

Alors bien sûr, on pourrait se contenter d’écrire j’ai aimé ou pas aimé. Mais cela serait forcément réducteur et peu utile, sauf à se placer dans un cas exceptionnellement bon ou mauvais. Même l’exceptionnellement bon me paraît au fil du temps une notion de plus en plus subjective.

Alors que dire à propos de cet album sinon ce que j’aurais apprécié ou non par rapport à mes références d’écoute ?

Jean-Nicolas Diatkine fait le choix d’un rythme assez lent. On est loin du torrent impétueux d’un Emil Gillels dans le presto de la septième sonate, et encore moins de la folie furieuse d’un Glen Gould.

Il y a néanmoins beaucoup d’autorité dans son jeu, un peu à la manière de Stephen Kovacevich mais sur un tempo moins rapide. Dans le Largo et mesto, cela confère énormément de gravité à cette sonate.

Cette pesanteur semble un parti pris ainsi qu’un pari risqué. Diatkine ne perdra-t-il pas l’auditeur avant d’avoir achevé ce mouvement lent ? On est sur le fil du rasoir, et on retrouve heureusement une bouffée d’air frais dans le Menuetto.

L’Appassionata est jouée dans la même veine. 

Bien qu’on ne se situe ici nullement dans le démonstratif ou l’excès de virtuosité, il y a un mouvement indéniable qui nous emmène vers l’avant, comme si Diatkine était porté par quelque chose de plus fort que lui.

Il n’y a peut-être pas la finesse d’un Kovacevich ni celle d’un Sergio Tiempo dans cette sonate 23, mais on retrouve néanmoins cette verve autoritaire et parfaitement maîtrisée du pianiste italien dans son album récital « Legacy », pour prendre une référence chronologiquement proche.

Jean-Nicolas Diatkine va à l’essentiel et c’est peut-être cela qui fait la qualité de son interprétation, avec un Allegro assai qui ne nous lâche pas un seul instant.

Le dernier mouvement « allegro ma non troppo presto » manque à mon goût d’un peu de vivacité. Pourtant c’est bien annoté « ma non troppo »… J’aurais apprécié davantage de fougue, voire un tempo plus rapide. Trop romantique je suis et peut-être pas assez classique ?

Car l’intention est bien là, celle de privilégier la tension à la vitesse. 

L’interprète démontre une grande maturité vis-à-vis de l’œuvre. Il explique avec beaucoup de pédagogie dans le livret que les trilles du dernier mouvement sont en faites écrites en note pleines, ce qui laisse penser qu’elles sont un motif à part entière.

Diatkine a donc pris parti de jouer ces trilles comme des vibratos chantés en diminuendo, suivis par l’exposition du motif. Surprenant !

Mais la plus belle pépite de cet album pourrait bien être la sonate 28 opus 101.

En effet, dès les premières notes on sent que cette interprétation est totalement habitée.

Un moment de grâce, une tendresse évidente pour cette sonate en 4 mouvements.

Diatkine ne résiste pas à la tentation de citer Wagner dont cette sonate était la préférée : « Beethoven à découvert là un monde tout nouveau, où tout est mélodie, formes, des formes qui s’avancent vers quelqu’un, même si aucun œil ne les voit ».

Les changements d’ambiance, les fausses fins, cette écriture proche de celle d’une œuvre pour quatuor sont autant d’éléments complexes qui trouvent sous les doigts de Jean-Nicolas Diatkine une forme d’unité, disons plutôt de continuité.

Au final, j’ai passé un très joli moment en compagnie d’un interprète historiquement informé et inspiré. Un très bon disque !

  • Titre: Beethoven Piano Sonatas n° 7, 23 & 28
  • Artistes: Jean-Nicolas Diatkine (piano).
  • Format: PCM 24 bit, 96 kHz
  • Ingénieur du son: Sebastian Riederer von Paar.
  • Editeur/Label: Solo Musica.
  • Année: 2021
  • Genre: Classique
  • Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.