AM

Dialogues

C’est souvent assez inattendu, car ce répertoire contemporain interprété par un clarinettiste ne rallie pas forcément les faveurs d’une large audience, et c’est d’autant plus remarquable. J’ai adoré : la virtuosité, la qualité de la prise de son (dévoilant les moindres nuances et intentions de l’interprète) ainsi que l’éloquence de Nicolas Baldeyrou dans ces quatre œuvres.

Au programme, « Bug » de Bruno Mantovani, « Assonance » de Michael Jarrell, « Domaines » et « Dialogue de l’ombre double » de Pierre Boulez. Ces quatre pièces font indubitablement partie du grand répertoire de la clarinette moderne. On ressent d’ailleurs la familiarité du clarinettiste avec ce répertoire contemporain. La musique coule naturellement alors que ces partitions de musique savante pourraient nous laisser croire le contraire.

« Bug », œuvre créée en 1999 évoque la fameuse panne informatique redoutée lors du passage à l’an 2000. Cette panne qui ne s’est finalement jamais produite est donc ici purement imaginaire, obsessionnelle, dantesque. Cette montée en tension, ce déferlement rythmique et mélodique illustre la folie d’un monde dépendant des machines qu’il a lui-même conçu.

La série des « Assonances » de Michael Jarrell est en fait celle pour clarinette créée par Nicholas Cox en 1984, reprenant cette thématique du cycle, fait de variations se succédant en boucle.

Les deux versions des « Domaines » de Pierre Boulez offrent une dimension spatiale assez rare. La palette tonale des six groupes instrumentaux et leur positionnement dans l’espace font de cet enregistrement un superbe test audiophile dans sa version originale. La version « Miroir », de par son alternance moins marquée, est peut-être moins simple à analyser du point de vue de la qualité sonore. Mais ce dialogue ininterrompu entre la clarinette et les autres instruments, ces reflets incessants rendent l’œuvre ô combien plus captivante. L’idée de regrouper les deux versions est vraiment intéressante car elle met en perspective l’évolution du travail de composition de notre cher monument national malheureusement disparu. Mais encore une fois, le travail de la production est admirable. La réalisation technique est en quelque sorte à la dé-mesure de l’œuvre…

« Dialogue de l’Ombre double » est dédiée à Luciano Berio et pensée à partir de scènes du Soulier de satin, pièce de théâtre de Paul Claudel. Contrairement à « Domaines », le dialogue ne se fait plus entre la clarinette et d’autres musiciens mais avec son double, via une alternance de strophes jouées en direct et de transitions enregistrées et diffusées par des haut-parleurs, comme un écho lointain. C’est une expérience assez particulière, de par cet effet de miroir artificiel et de par la virtuosité imposée par la partition elle-même.

En même temps, la profusion tonale de la version définitive de Domaines nous manque presque, même si la sonorité de Baldeyrou est, reconnaissons-le, sacrément envoutante. J’aime énormément ce répertoire et j’apprécie toujours à l’écoute de ce type d’enregistrement le fait d’avoir une chaîne audio de très bonne facture. Bien sûr il y a la virtuosité d’un des meilleurs clarinettistes de sa génération, mais il y a aussi quelque chose en plus, quelque chose qui nous échappe et qui fait qu’on s’abandonne complètement à l’écoute de cette musique. Magique !

  • Titre: Dialogues
  • Artistes: Nicolas Baldeyrou (clarinette).
  • Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz.
  • Ingénieur du son : Clément Gariel.
  • Editeur/Label: Klarthe.
  • Année: 2020
  • Genre: Classique
  • Intérêt du format HD : Format CD uniquement.
Dialogues 2