La pianiste Alexandra Lescure nous convie à un moment « d’extase baroque » autour des compositeurs Domenico Scarlatti et Joseph-Nicolas-Pancrace Royer.
« Extase baroque », cela marque l’ambition de la française dans un exercice aussi compliqué que celui de vouloir faire naître l’émotion tout en essayant d’analyser et de communiquer à l’auditeur ce qu’évoque pour elle ce répertoire musical…
La sonate K.35 de Domenico Scarlatti, qui ouvre le bal, est jouée sur un tempo légèrement plus lent que celui de Clara Haskil, qui reste ma référence personnelle en la matière. Cela ne donne évidemment pas le même sentiment de flux vital ininterrompu que j’apprécie tant chez la pianiste roumaine.
Néanmoins, reconnaissons que cette première sonate est très bien interprétée par la jeune pianiste, avec une énergie et une densité de jeu qui nous font penser d’emblée que nous allons passer un agréable moment, sans pour autant être sûr d’arriver jusqu’à l’extase.
La sonate K.109 en la mineur étire le temps, à un point tel où les ornements sont un peu trop présents à mon goût. Le respect du contrepoint en souffre un peu également et je ne parviens pas à rentrer totalement dans la musique. Trop plein d’extase peut-être ?
La K.6 en fa majeur reprend une pulsation plus rapide mais avec beaucoup de liberté prise vis-à-vis de la partition, ce qui ne me dérange pas plus que ça, mais enlève un peu de fluidité et de cohérence générale, émoussant un peu le côté sautillant de cette sonate. En comparaison, la prestation de la grande Alicia de Larrocha chez Decca donne une cadre rythmique plus en osmose avec les interprétations au clavecin. Toujours compliqué au final de se faire une idée précise de jusqu’où peut-on aller au piano ?
La Zaïde de Royer apporte en revanche au piano, sous les doigts d’Alexandra Lescure, une grande tendresse et une jolie part de poésie. Cela vient indubitablement renouveler l’intérêt de cette pièce pour clavecin. On aurait aimé néanmoins quelques ornementations plus franches et quelques accélérations de tempo judicieusement placées.
En revenant à Domenico Scarlatti et sa superbe sonate en ré mineur K.213, on comprend mieux finalement cette notion d’extase baroque qui correspond, d’après mon ressenti, à une forme d’abandon personnel chez la pianiste, qui revient sur un tempo très lent, avec un phrasé tout en délicatesse.
On peut bien évidemment faire aussi délicat, mais plus rapide, à l’instar de la très belle version de Valerian Shiukashvili ou celle de l’américain Steven Spooner.
C’est bien là en fait le trait caractéristique de ce disque qui privilégie cette forme d’abandon et d’intériorité qui parlera ou ne parlera pas à l’auditeur.
Cela est en quelque sorte un pari risqué, car certains se perdront en cours de route, alors que d’autres seront pleinement subjugués.
Alexandra Lescure nous offre des compositions de Joseph-Nicolas-Pancrace Royer qui sont extrêmement rares au piano et au disque, interprétation empreinte d’une grande humanité et d’une sensibilité touchante.
Notons également la très bonne captation du Steinway dans une acoustique très naturelle, sans excès de réverbération, ce qui permet d’apprécier ce phrasé tout en douceur et subtilité.
- Titre: Extase baroque.
- Artistes : Alexandra Lescure (piano).
- Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz.
- Ingénieur du son: Frédéric Briant.
- Editeur/Label: Calliope.
- Année: 2022
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Format CD uniquement.