Robert Schumann a décrit la musique de chambre comme une « poésie de puissance supérieure ».
Gabriel Fauré aurait sans doute écrit à peu près la même chose et, les deux compositeurs sont l’occasion pour le duo Löhr – Langlamet de mettre en exergue toute la subtilité dont regorge cette musique.
Le violoncelliste et la harpiste du Philharmonique de Berlin se connaissent de toute évidence très bien, et, dès les premières notes de la transcription de l’Elégie opus 24 de Fauré pour harpe et violoncelle, on sait que ce duo fonctionnera à merveille.
Chaque interprète est à l’écoute de l’autre, et la balance entre les deux instruments est savamment dosée, au prix, peut-être, d’un excès de réverbération pour le violoncelle, plus lointain que la harpe. Ce n’est pas un exercice facile en effet que d’éviter de mettre au premier plan un des deux duettistes, surtout avec une harpe.
Là c’est extrêmement bien fait, et on profite totalement de l’interaction qui peut exister entre les deux instruments.
C’est d’autant plus impressionnant qu’aucune des œuvres jouées ici n’a été composée pour la harpe, et même le violoncelle de Martin Löhr est étranger à certaines des compositions de la sélection.
Cet album est ainsi le fruit d’un énorme travail d’adaptation et de transcription des parties de piano pour la palette sonore de la harpe, permettant un vrai dialogue artistique entre les deux interprètes.
On aurait pu craindre ainsi que les cinq pièces folkloriques de Robert Schumann manquent un peu d’entrain, du fait des choix instrumentaux, mais il n’en est rien. Tout au contraire, j’ai été bluffé par la tension et le rythme insufflé par le tandem Löhr – Langlamet. C’est somptueux.
La forme concertante des Romances sans paroles est ici une merveille d’équilibre. La prise de son est d’ailleurs très bien réalisée. La Romance de Fauré opus 69 bénéficie également de cette grande qualité technique, ce qui fait que le côté minimaliste de cette interprétation n’a rien à envier à la version pour violoncelle et orchestre.
Toujours chez Gabriel Fauré, l’adaptation de la Sicilienne à la harpe ne semble vraiment en rien dénaturer la partition originale. J’aurais peut-être préféré un tempo légèrement moins rapide, afin de davantage souligner le caractère nostalgique de l’œuvre, mais c’est tout de même extrêmement bien réalisé.
Les Fantasiestücke de Schumann adoptent en revanche un tempo légèrement plus lent, sans doute une nécessité imposée par l’utilisation de la harpe.
J’ai du mal dans cette œuvre de m’ôter des oreilles la sonorité du piano, surtout les nuances de son pédalier, c’est bien la seule réserve que j’émets à propos du travail d’arrangement des deux protagonistes. Mais à l’impossible nul n’est tenu…
Un disque dont les qualités artistiques et techniques sont assurément indéniables, totalement en ligne en tous cas avec le prestige des deux membres de la phalange berlinoise. Bravo !
- Titre: Fauré & Schumann.
- Artistes: Martin Löhr (violoncelle), Marie-Pierre Langlamet (harpe).
- Format: PCM 24 bit, 96 kHz
- Ingénieur du son: Justus Beyer.
- Editeur/Label: IndéSENS !.
- Année: 2021
- Genre: Classique
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.