C’est dans un cadre majestueux et inspirant que ce disque a été enregistré, celui du château de Fallot, surplombant le Lac Léman.
Ce lieu est chargé d’histoire musicale, et Louis Vierne (organiste et élève préféré de César Franck), Eugène Ysaÿe (violoniste, à qui Franck a dédié sa sonate), Jacques Thibaud, Alfred Cortot, Pablo Casals parmi tant d’autres musiciens et amis de la famille Fallot, passaient souvent du temps au château et jouaient dans ces mêmes salles.
Xenia Jankovic et Jacqueline Bourgès-Manoury se retrouvent ainsi au disque, après nous avoir marqué avec d’autres sonates en 2008, celles de Chostakovitch et Rachmaninov.
On prend plaisir à constater la même fraîcheur et élégance sur les sonates pour piano et violoncelles. Élégance est bien le maître-mot car ce n’est clairement pas un duel de solistes virtuoses qui ce joue ici mais deux instruments cherchant à fusionner dans un même creuset d’amour et de profond respect envers ces deux compositeurs. C’est la tendresse qui prévaut, sur un tempo assez langoureux, moins effréné que ce que proposent André Prévîn et Erick Friedman dans la Sonate de Franck en La majeur.
Sans doute l’emploi du violoncelle n’y est pas étranger, mais cela semble davantage un parti pris. L’enregistrement de 1953 de Léonard Rose et Leonid Hambro chez Columbia est d’ailleurs bien plus rapide.
C’est un style plus impressionniste, presque debussyien, qui transparaît dans cette interprétation de la sonate de César Franck. J’ai adoré le vibrato de Xenia Jankovic ainsi que la fluidité du phrasé de Jacqueline Bourgès-Manoury. Certains trouveront ce jeu un tantinet maniéré. J’avoue que cette façon de jouer me plait, me séduit davantage qu’une interprétation plus froide et folle à la fois.
Et puis il revient toujours cette sensation du jouer ensemble et non l’un contre l’autre. La complémentarité, l’aspect fusionnel culmine au début du second mouvement (allegro).
La Sonate pour violoncelle et piano de Chopin en sol mineur est également réussie.
Elle est bien évidemment plus disputée discographiquement parlant et celle-ci n’arrivera pas à éluder le couple Argerich / Rostropovich.
On quitte l’atmosphère impressionniste, pour un monde éminemment romantique, où la poésie est déclamée avec une évidente ferveur. On est clairement moins dans la retenue qu’avec Rostropovich, mais il n’en reste pas moins que la complicité et le plaisir que prennent les deux musiciennes à jouer cette œuvre sont pleinement communicatifs.
Je regretterais peut-être un excès de jeu chambriste qui se fait un peu au détriment du dialogue, ce qui nuit à la respiration de la musique et au suivi mélodique. C’est assez flagrant dans le final où les deux instruments s’enchevêtrent régulièrement. Peut-être est-ce le fruit de la prise de son ne séparant pas assez les instruments, et celle du choix du tempo, toujours très lent, n’aidant pas forcément à libérer complètement les interprètes…
Le son de l’instrument de Xenia Jankovic reste pourtant fabuleusement addictif, bien que le vibrato soit parfois un peu trop insistant.
Un très bon disque au final, a recommander expressément pour le petit bijou que représente la Sonate de Frank, un peu moins pour celle de Chopin bien qu’elle ne démérite pas non plus.
- Titre: Franck & Chopin
- Artistes: Xenia Jankovic (violoncelle), Jacqueline Bourgès-Maunoury (piano).
- Format: PCM 24 bit, 48 kHz
- Ingénieur du son: Jacques Doll.
- Editeur/Label: Calliope.
- Année: 2021
- Genre: Musique classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Discutable.