Je considère pour ma part que le jazz s’est vidé d’une bonne partie de sa substance depuis une vingtaine d’années. Celle de la constante création et réinvention, celle qui fait du jazz, même sous une forme symphonique, une musique toujours changeante et vivante…
Certes Miles Davis avait beaucoup contribué à renouveler le genre, et la source s’est sacrément tarie après sa trop précoce disparition.
Tout ça pour dire que je suis particulièrement difficile en matière de jazz, car trop d’artistes n’ont pas grand chose à dire aujourd’hui à part ressasser ce qui a été déjà mieux fait par leurs prédécesseurs.
Aussi lorsque je m’enthousiasme vraiment pour un disque de jazz, et encore plus lorsqu’il relève davantage d’un travail de composition que de la pure improvisation, c’est qu’il se passe quelque chose de réellement significatif…
Et c’est bien le cas de cet album du saxophoniste français Guillaume Saint-James qui réussit l’exploit de faire renaître cette flamme chez moi que très peu d’instrumentistes, à l’instar de Kenny Garrett ou Éric Marienthal, avaient su raviver ces dernières années.
Guillaume Saint-James a un vrai son, voire plusieurs en fait, un phrasé, un sens de la syncope qui me font me remémorer Wayne Shorter à la grande époque.
Mais la chose dingue est qu’il est également un brillant compositeur.
Cette Symphonie « Bleu » est une commande de Jean-François Verdier au saxophoniste normand d’une œuvre célébrant le monde ouvrier, hommes et machines, qu’il enregistrera en juillet 2020 avec l’Orchestre Victor Hugo à Besançon, bravant la pandémie qui ne veut plus nous lâcher…
Les clins d’œil sont nombreux dans cette œuvre qui prend un visage différent à chaque mouvement, basculant ainsi d’un univers quasi kafkaïen à une vision chaplinesque du travail à l’usine.
Le concerto pour accordéon qu’il a composé est également un petit joyau : Sketches of Seven.
Cette commande est plus ancienne et remonte à 2014 lorsque Marc Feldman, administrateur de l’Orchestre National de Bretagne, lui soumet l’idée d’un concerto pour accordéon.
On pense bien évidemment à Gill Evans, mais cette évocation des sept péchés capitaux aurait pu être, à certains moments, le fruit du travail d’un certain Gershwin. Il y a d’ailleurs dans les deux œuvres un sens du récit et du spectacle qui sont généralement l’apanage des grands compositeurs de musique de film.
Ça bouge, ça percute, les styles et ambiances musicales se succèdent, et l’accordéon de Didier Ithursarry fait office de fil rouge avec brio.
Au final, ce sont deux très belles œuvres, servies, ce qui ne gâche rien, par une prise de son et une post production de grande qualité.
Un disque qui vous fera très certainement frissonner, et qui vous donnera la banane !
Une révélation…
- Titre: Guillaume Saint-James : La Symphonie « Bleu » / Sketches of Seven
- Artiste: Guillaume Saint-James (saxophone), Orchestre Victor Hugo (direction Jean-françois Verdier), Orchestre National de Bretagne (direction Aurélien Azan Zielinski).
- Format: PCM 24 bit, 44,1 kHz
- Ingénieur du son : Simon Lancelot.
- Editeur/Label: IndéSENS !.
- Année: 2021
- Genre: Jazz Symphonique
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Discutable.