La violoniste niçoise, membre émérite de l’orchestre des Champs-Élysées, a une passion pour la musique contemporaine et aime sortir des sentiers battus.
On l’a entendue notamment dans des œuvres de Sylvano Bussotti, de Giacinto Scelsi (avec le poème lyrique « Anahit » pour violon et orchestre), de Gérard Tamestit, particulièrement investie dans les œuvres pour violon solo de Luciano Berio (« Sequenza VIII »), Iannis Xenakis (“Mikka“ et “Mikka “S“).
Elle est souvent revenue à des répertoires plus conventionnels sans s’y laisser enfermer et toujours en quête de nouveaux horizons.
Nicole Tamestit est par essence une boulimique de découvertes et de savoir. Si certains musiciens arrivent à se nourrir d’un répertoire limité en le revisitant régulièrement, ce n’est clairement pas le cas de cette violoniste qui se passionne aujourd’hui pour le répertoire méconnu des compositeurs d’Europe de l’Est. Et puis c’est extrêmement rare de voir figurer dans le livret accompagnant le disque une citation du poète Ossip Mandelstam, signe d’une érudition certaine et d’un intérêt marqué pour la culture slave.
A ce titre, après s’être penchée sur les dernières œuvres du compositeur tchèque Franz Krommer, elle s’exalte dans ce tout dernier opus pour Ivan Khandoshkin, compositeur violoniste à la cour de Catherine II de Russie. Pour revenir au livret expliquant les motivations d’un tel choix, la bio du compositeur, le contexte historique et le ressenti ou la compréhension de l’interprète de ces oeuvres, j’ai rarement pris autant de plaisir à le parcourir…
Les œuvres existantes de Khandoshkin comprennent six sonates pour violon et plusieurs cycles de variations basés sur des airs folkloriques. Sa musique (principalement pour le violon) est comparable à la musique de ses contemporains tels que l’élève de Giuseppe Tartini, Antonio Lolli (dont les cascades au violon ont précédé Paganini), Gaetano Pugnani, Ludwig Spohr et bien d’autres.
Sa musique est longtemps restée oubliée en Europe de l’Ouest. Seules deux musiciennes, Elena Denisova (qui a enregistré trois de ses sonates pour violon pour Talking Music) et Anastasia Khitruk, ont essayé de populariser son œuvre. Finalement, Nicole Tamestit est la troisième à se passionner pour Khandoshkin et inscrit ainsi au programme de cet enregistrement, paru chez le label Diligence, trois sonates Opus 3 (1, 2 et 3) ainsi que deux Arias en ré mineur (1ère et seconde versions) et une chanson russe pour violon (en ré mineur également).
Première confrontation sérieuse en ce qui me concerne avec le sieur Khandoshkin.
Ce qui m’a frappé de prime abord est le parallèle évident entre la musique de Bach, de Paganini et celle de Khandoshkin. Au delà du contrepoint, il y a un rythme tout à fait singulier, authentique, et une liberté d’écriture qui joue avec les irrégularités, le rythme et la polyphonie.
La première sonate est sans aucun doute la plus riche des trois, en tout cas la plus complexe du point de vue de l’écriture. C’est quasiment un patchwork d’émotions : on y ressent successivement la passion, l’apaisement, le drame, voire le sens de la tragédie.
Les deux suivantes sont moins tragiques, plus exaltées et optimistes, peut-être légèrement plus conventionnelles aussi.Mais il ne faut pas s’y tromper, elles distillent écoute après écoute un niveau de subtilité qu’on n’aurait pas attendu de la part d’un compositeur aussi méconnu.
Pour conclure, c’est à mon humble avis une superbe réalisation, tant technique qu’artistique avec un sens de la minutie hors du commun ainsi qu’une exaltation pour ces oeuvres particulièrement communicative. Un véritable travail d’orfèvre et une jolie découverte !
- Titre: Khandoshkin – Sonates, chansons russes pour violon solo.
- Artiste: Nicole Tamestit (violon).
- Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz
- Ingénieurs du son: Pierre Bouyer, Manuel Mohino.
- Editeur/Label: Diligence.
- Année: 2021
- Genre: Musique classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): format CD uniquement.