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Les Oiseaux de solitude

Les œuvres de musique de chambre de Philippe Chamouard ne sont pas particulièrement renommées. On retient surtout du compositeur français son travail symphonique, peut-être plus récent que les Oiseaux de solitude, et suite logique de son intérêt pour le cycle malherien. Ce qui est évident, c’est que ce compositeur contemporain échappe à tous les styles et étiquettes, même dans un répertoire chambriste où l’on conçoit qu’il soit compliqué d’être encore original.

Les six œuvres enregistrées sur cet album sont d’ailleurs très différentes les unes des autres.

J’ai adoré la rêverie mélancolique de la suite Polymnia, d’une beauté toute cristalline. La prise de son est superlative : j’ai rarement entendu une suite pour piano et flûte aussi harmonieuse, avec peut-être une petite réserve sur le début de l’allegro. Mais la flûte de Vincent Lucas regorge d’une puissance évocatrice, d’une éloquence qui correspond tout à fait au thème. Le chant mélancolique des premiers mouvements devient de plus en plus tragique, comme si les naufragés que nous sommes sombrions complètement envoûtés à l’appel du chant de la sirène…

Le Madrigal d’été instaure une ambiance plus calme. Mais c’est à nouveau un duo en totale symbiose que celui de la harpe de Marie-Pierre Langlamet et du violoncelle de Martin Lohr. Le chant du violoncelle nous fait chavirer dans un univers poétique qui s’essouffle très légèrement dans l’andante final. Mais les deux premiers mouvements sont quasi hypnotiques. La prise de son est à nouveau excellente.

Crystal s’écarte sensiblement de l’osmose musicale des deux premières œuvres. Le vibraphone sature la salle de ses résonances et on comprend parfaitement l’analogie qu’a faite le compositeur avec sa visite d’un atelier de verrerie à Murano. Le climat est encore plus hypnotique que dans les œuvres précédentes mais j’avoue avoir eu du mal à arriver jusqu’à la fin du troisième et dernier mouvement du fait de la fatigue auditive qu’il occasionne chez moi et sur ma chaîne hi-fi.

On retrouve une rêverie davantage dans la veine de Polymnia avec Nocturnal. A l’origine composée pour clarinette et piano, cette œuvre a été ici transposée pour le saxophone. Nicolas Prost y est particulièrement vibrant et sensible.

Les Oiseaux de solitude, création relativement ancienne de cette sélection, nous restitue un climat plus sombre. Le quatuor à cordes Joachim insuffle des accents plus anguleux, des timbres plus grinçants, dans une atmosphère faisant penser à certains moments à la musique d’Arvo Pärt.

Composition axée sur la solitude, le détachement que symbolisent ces oiseaux au loin, mais qui s’applique également aux individus, la tonalité des instruments varie entre mélancolie et morosité pour au final disparaître dans la brume du couchant.

Chaque œuvre présente sur cet album vient renforcer la dimension éminemment poétique du travail de Philippe Chamouard. C’est ce qui motive l’attribution d’un grand frisson 2020, car elles sont injustement méconnues, ainsi que le plaisir intense ressenti à l’écoute de Polymnia et de Madrigal d’été. Une très belle découverte.

  • Titre :Les oiseaux de solitude – musique de chambre.
  • Artistes :Philippe Chamouard (compositeur), Vincent Lucas (flûte), Laurent Wagschal (piano), Marie-Pierre Langlamet (harpe), Martin Löhr (violoncelle), Jean-François Durez (vibraphone), Antoine Ouvrard (piano), Nicolas Prost (saxophone), Quatuor à cordes Joachim.
  • Format :PCM 16 bit, 44,1 kHz 
  • Ingénieurs du son :Justus Beyer, Erwan Boulay, Bertrand Cazé.
  • Editeur/Label :IndéSENS!
  • Année :2020
  • Genre :Contemporain.
  • Intérêt du format HD :format CD uniquement.
Les Oiseaux de solitude 2