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Liszt – Harmonies poétiques et religieuses

J’aime à croire que le fabuleux répertoire pour piano de Liszt se suffit à lui-même et qu’il n’y a pas besoin de le réinventer ou lui apporter une dose de sensibilité additionnelle. 

Le strict respect de la partition et l’humilité de l’interprétation serviront pour moi au piano chez Frantz Liszt toujours mieux l’émotion.

C’est apparemment la ligne de conduite de la jeune pianiste Italo-néerlandaise Saskia Giorgini, finaliste du Concours Busoni en 2015 avant de remporter le Concours International Mozart de Salzbourg en 2016.

Les Harmonies poétiques et religieuses renvoient au recueil du même nom d’Alphonse de Lamartine, publié en 1830, œuvre à la fois mystique et romantique.

Il est amusant de constater que Saskia Giorgini a enregistré ce cycle de Liszt en avril 2021, à Raiding, le village natal du compositeur situé en Autriche.

On y ressent cette humilité, ce recueillement, et en même temps un émoi lyrique sans cesse croissant.

« L’Invocation » qui ouvre ce recueil, est interprétée sans aucun maniérisme. En même temps, Giorgini y amène une clarté et un élan lyrique qui emportent immédiatement votre adhésion, comme une forme d’évidence.

La force tranquille, c’est le moyen employé par la pianiste pour nous amener vers le beau, vers une sorte de fervente sérénité. Cette simplicité, de l’ordre presque du dépouillement, transparaît dans un « Avé Maria » tout empreint d’humilité.

« La Bénédiction de Dieu  dans la solitude » vient ensuite nous transporter dans un état quasi méditatif, rempli de douceur et de sérénité. 

Le Bösendorfer de Saskia Giorgini parvient à recréer cette atmosphère de béatitude troublante. Magnifique !

Changement d’atmosphère dans les « Pensées des morts », forcément pleines de gravité. Il y a néanmoins beaucoup de retenue dans le jeu de Giorgini.

Cela sert parfaitement la lisibilité et les contrastes de cette partition. Aucun maniérisme ostentatoire n’est perceptible ici, mais un sentiment de désolation impressionniste joliment exécuté.

A l’instar de l’Ave Maria, le « Paster Noster » est une transcription d’une œuvre chorale, comme l’est aussi l’ « Hymne de l’enfant à son réveil ». 

Alors qu’elle aurait très bien pu s’épancher sur cette douceur enfantine, Saskia Giorgini reste sur cette même ligne directrice d’une extrême neutralité légèrement teintée de nostalgie.

C’est un jeu pianistique essentiellement basé sur les contrastes de couleurs, plutôt que sur la densité et l’élan rythmique.

« Les Funérailles » n’y échappent pas non plus et on aurait aimé peut-être davantage d’intensité dramatique à certains moments. Néanmoins, l’interprétation nous emporte lentement mais sûrement vers une atmosphère sombre, fidèle au contexte des derniers instants de la vie de Franz Liszt.

C’est une interprétation à la fois délicate, juste, et habitée, plus prenante finalement que celle d’un Aldo Ciccolini chez Erato, même si la technique pianistique n’a clairement pas la même flamboyance que celle du Maestro italien.

Le « Miserere d’après Palestrina » nous fait replonger dans un univers impressionniste riche d’une large palette tonale.

« L’Andante lagrimoso » s’avère sans doute le moment le plus romantique et paisible des Harmonies, tandis que le « Cantique d’amour » final nous submerge de cette plénitude et de l’intégrité qui caractérisent le jeu de l’interprète ainsi que sa compréhension subtile et respectueuse de l’œuvre.

Une interprétation profondément honnête et sincère, servie par une prise de son remarquable.

Un grand frisson assurément !

  • Titre: Liszt – Harmonies poétiques et religieuses.
  • Artistes : Saskia Giorgini (piano).
  • Format: PCM 24 bit, 96 kHz
  • Ingénieur du son: Jens Jamin.
  • Editeur/Label: Pentatone
  • Année: 2021
  • Genre: Classique.
  • Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.
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