AM

Magie

La violoniste suisso-russe Maria Solozobova rencontre la pianiste Martha Argerich pour la seconde fois, après avoir joué ensemble la sonate en do mineur de César Franck. 

Cette seconde rencontre s’est conclue par un enregistrement live à la Tonhalle de Zurich de la Sonate opus 47 de Beethoven et la Sonate n° 2 en ré majeur opus 94a de Prokofiev. 

La sonate opus 47 de Beethoven, appelée communément « Sonate Kreutzer » est une sonate virtuose.

Choc des générations ou émulation propre à la façon dont Martha Argerich mène ses duos, la jeune violoniste prend la lumière avec une confiance bien affirmée ou une prise de risque délibérée (sans doute un peu des deux).

Martha Argerich ne s’en laisse pas compter et relance la violoniste avec autant de vigueur. 

C’est sur un rythme effréné que ce duo progresse tout au long des trois mouvements de cette neuvième sonate. J’ai été abasourdi à certains moments par la synchronisation démoniaque des deux musiciennes. 

Duo ou duel ? Je répondrais « Duo » car le courant passe assurément entre les deux musiciennes. On a l’impression qu’elles prennent même un infini plaisir à jouer ensemble…

L’entrain manifeste de la pianiste argentine est globalement similaire à celui de son enregistrement antérieur de la « Kreutzer » avec Isaac Perlman, avec peut-être ici un soupçon de nervosité en plus. Martha Argerich l’a beaucoup enregistrée, cette sonate, et celle avec Gidon Kremer pour DG est également excellente.

Et si le tempo de ce nouvel enregistrement dans le final semble plus lent que ceux usités en général, on ressent cette impulsion, cette réciprocité chez les deux interprètes, chacune relançant l’autre tour à tour.

La générosité de Martha Argerich autorise sa partenaire à évoluer librement, tout en se sentant galvanisée, en donnant sans doute le meilleur d’elle-même. C’est bien la force de cette grande pianiste, celle de tirer vers le haut, de faire toucher les étoiles à ses partenaires…

Et puis il y a cette précision, cette puissance émotionnelle qui n’appartient qu’à elle et qui semblent intactes, comme aux premiers jours, et malgré ses 82 printemps.

La sonate pour violon et piano en ré majeur opus 94 de Prokofiev est une adaptation de celle initialement composée pour flûte et piano. Prokofiev l’a transformée en une sonate pour violon à la demande de son ami, le violoniste David Oistrakh.

Maria Solozobova démontre une maîtrise absolue de son art, nous livrant un scherzo flamboyant.

L’Andante est pleinement tempéré. J’ai vraiment apprécié le fait que le violon n’en fasse pas trop et reste dans une juste intensité, accompagné par un piano tout aussi mesuré et précis. J’avoue que je craignais un peu l’excès de pathos sur ce troisième mouvement, mais il n’en est rien, bien au contraire…

L’allegro con brio est tout bonnement superbe, magistralement interprété par ce duo. 

C’est un tempo plus vif, plus nerveux, que celui de l’interprétation de la même pianiste en 1992 avec Gidon Kremer pour DG. 

A cette époque , la balance violon / piano semblait plus équilibrée, alors que cette dernière version favorise davantage le violon. Mais le jeu de Martha Argerich est ici surprenant de précision. Je n’ai pas réussi à percevoir le plus petit décalage entre les deux musiciennes. Il y a un parfait équilibre entre cette nervosité et la précision des deux interprètes qui jouent ensemble comme si elles se connaissaient depuis toujours. Un véritable feu d’artifice !

Cette sonate, Martha Argerich la connaît aussi extrêmement bien et l’a enregistrée de nombreuses fois. Je garde une légère préférence pour la version récente avec Tedi Papavrami, offrant une meilleure interaction entre les deux instruments, et peut-être davantage de poésie.

Mais cet élan vital qui nous prend par la main tout au long de cette deuxième sonate est vraiment plaisant. Martha Argerich n’en finit pas de nous émerveiller par sa capacité à se renouveler, ainsi qu’à magnifier le jeu de sa partenaire.

Bravo, et mes respects les plus sincères !

  • Titre : Magie.
  • Artistes : Maria Solozobova (violon), Martha Argerich (piano).
  • Format: PCM 16 bit – 44,1 kHz.
  • Ingénieurs du son: Jakob Händel, Stefan Hächler.
  • Editeur/Label: Antes Edition.
  • Année: 2023
  • Genre: Classique.
  • Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Format CD uniquement.

Magie 2