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Memories

Un programme de musique contemporaine pour la harpe, et un instrument qui sort du cadre si cristallin auquel on l’associe communément.

C’est un peu comme si on avait greffé une caisse de résonance à la harpe de Claire Augier de Lajallet. A l’instar de ce que propose Edmar Castaneda dans le domaine du jazz, la harpiste française illustre avec brio l’étendue de la palette tonale de son instrument, ainsi que ses capacités rythmiques et dynamiques.

Cet album est aussi une ode à la nature et au voyage, tout en évitant l’écueil de la simplification extrême de certaines compositions new age.

La première composition en quatre mouvements « Memories in water » est une commande passée à la pianiste et compositrice canadienne Eileen Padgett.

C’est une œuvre à la fois pleine de tendresse, de nostalgie et de tristesse. La sensibilité de l’œuvre et le thème de l’eau conviennent parfaitement à la tessiture cristalline de la harpe.

J’ai été tout de suite impressionné par la qualité de timbres et de la prise de son. On entre pleinement dans l’univers d’Eileen Padgett, comme si les notes donnaient davantage de sens que les paroles d’une chanson.

« Elegy for the Artic » de Ludovico Einaudi s’inscrit dans la même veine. Même si la composition se veut plus politique, prônant la lutte contre le réchauffement climatique, on y retrouve cette douce spiritualité, avec des basses surprenantes. C’est plus beau finalement que joué au piano : on y décèle plus de nuances et la harpe surprend dans sa tessiture grave. La richesse harmonique de l’instrument est envoutante.

Le climat oriental des compositions suivantes (« Suite Hittite » et « Maqamat ») nous rappelle aussi la polyvalence de la harpe, objet finalement plutôt cosmopolite. C’est aussi l’occasion pour Claire Augier de Lajallet de démontrer le plein potentiel rythmique et mélodique de l’instrument, et de nous attirer vers des rivages plus sombres et mystérieux.

Changement d’ambiance avec Marius Flothuis et sa composition « Pour le tombeau d’Orphée ». C’est à la fois une référence au mythe du harpiste et un affluent de l’opéra de Monteverdi. 

Mais c’est la Rapsodie de la harpiste et compositrice Louise Charpentier qui est la pièce maîtresse, et centrale, de cet album avec ses sonorités ibériques. C’est une composition à la fois mélancolique et lyrique. On y ressent des influences hispaniques et du flamenco plus particulièrement.

C’est une composition injustement méconnue et j’adresse tous mes remerciements à l’interprète pour nous la faire découvrir de si charmante façon.

« Rimembranza di Napoli » de Giovanni Caramiello paraît presque caricatural en comparaison. L’évocation du folklore italien se fait au travers de l’Opera (Rossini) et d’un air traditionnel napolitain, joué de façon virtuose mais peut être trop systématique. Le bel canto sans les voix est sans doute orphelin de sa plus grande richesse…

Enfin, « L’enfance de l’art » du jeune compositeur Corentin Boissier vient clore cette programmation éclectique. J’ai trouvé que la fin de l’album perdait un peu en intensité et ce disque manque pour le coup le Grand Frisson de peu.

Pas simple pour autant de piocher dans le registre pour Harpe solo contemporain. Et je tiens par ailleurs à réitérer mes félicitations à la prise de son : magnifique !

Une belle découverte.

  • Titre: Memories.
  • Artiste : Claire Augier de Lajallet.
  • Format: PCM 24 bit / 44,1 kHz.
  • Ingénieur du son: Florian Oestreicher.
  • Editeur/Label: Klarthe.
  • Année: 2023
  • Genre: Classique.
  • Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Discutable.