Après Mozart, on a le plaisir de retrouver le Suisse Christian Chamorel en solo sur Mendelssohn.
Le sens de la justesse, c’est ce qui m’a franchement interpelé dès les premières minutes d’un Rondo capriccioso endiablé.
Mendelssohn, c’est le grand élan romantique, avec la fougue, mais aussi la retenue qui le caractérisent. Christian Chamorel n’essaie jamais de surjouer ou d’imposer son style, il s’imprègne, signe que la carrière de ce quadragénaire ne fait encore que commencer, et qu’elle s’inscrira – c’est tout le mal que je lui souhaite – dans la durée. En revanche, Chamorel impressionne déjà par le dynamisme et la fluidité de son phrasé.
Mendelssohn n’est pas non plus terra incognita pour le Suisse puisqu’il avait déjà enregistré avec l’orchestre de chambre de Fribourg la série des concerti en 2014. A l’entendre, on devine rapidement qu’il y a plus qu’une simple affinité avec Félix Mendelssohn.
Le Rondo introductif décoiffe. Chamorel l’attaque avec un tempo assez rapide et une tonicité assez rare. On perd peut-être un peu du côté dansant de l’interprétation de Murray Perahia ou de celle de Claudio Arrau. Mais on y gagne en contraste dynamique, et puis en qualité de timbres grâce à une prise de son superlative. Le phrasé de Christian Chamorel est d’une incroyable élégance, si bien qu’on reste accroché tout au long de ce rondo malgré une pulsation peut-être moins captivante que celle de ses illustres prédécesseurs.
Les Romances sans paroles dévoilent la sensibilité de l’interprète avec toujours cette classe dénuée de tout excès de pathos, mais avec une fougue très expressive. Quelle fluidité encore dans le jeu du pianiste… j’ai réécouté celles de Perahia chez Sony, et je dois reconnaître que je les trouve très belles mais trop verticales alors que Chamorel développe des sonorités qui vous enveloppent totalement.
On pourrait penser que la sophistication du phrasé de Chamorel est superflue, et qu’un Daniel Barenboim pour DG trouve le chant idéal avec une approche beaucoup plus franche de la partition. Mais Christian Chamorel est lui aussi parfaitement dans le lied tout en délivrant des sonorités d’une extrême beauté. C’est particulièrement bien fait et il y a une grande intelligence dans l’interprétation de ces romances sans paroles.
Dans la série des Préludes et Fugues, j’ai apprécié que le pianiste suisse ne rajoute pas une dose excessive de rubato comme on a tendance parfois à le constater, en particulier sur l’opus 35 en mi mineur.
Ce sens de la justesse et de l’équilibre sans la virtuosité pourrait confiner à l’ennui mais la dynamique et l’entrain de Chamorel vont bien au delà : on est littéralement happé du début à la fin.
La fantaisie en fa dièse mineur opus 28, « Sonate écossaise » pour piano, est le titre le plus long de cet album. Comme son nom l’évoque, elle a été composée suite au séjour de Mendelssohn en Ecosse.
Fasciné par ce pays, il a été rapporté qu’il en aurait fait le tour à pied à l’âge de 20 ans !
Là encore, le tempo est assez rapide, mais le respect du rythme et le legato de Chamorel amènent un résultat d’un naturel confondant. Le contrôle de la partition semble total, même dans les passages les plus denses. Et puis, il y a cette respiration qui donne la sensation que ce n’est jamais décousu. C’est construit, prenant et cohérent…
Vous l’aurez donc sans doute compris, j’ai été complètement séduit par ce dernier album de Christian Chamorel qui allie virtuosité, rigueur, humilité et inspiration dans ce répertoire pour piano qui est beaucoup plus riche qu’on pourrait le croire. Une quadrature du cercle mendelssohnien ?
Cela mérite amplement de lui décerner un Grand Frisson, car j’en ai encore la chaire de poule !
- Titre: Mendelssohn : Piano works.
- Artistes: Christian Chamorel.
- Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz
- Ingénieur du son : Ines Kammann.
- Editeur/Label: Calliope.
- Année: 2020
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD : CD uniquement.