Le minimalisme est-il encore populaire aujourd’hui comme genre musical à part entière ?
S’il contribue toujours via sa dimension hypnotique à entretenir la tension de certains films dramatiques et de nombreux thrillers, il reste présent sans pour autant exister vraiment.
Et pourtant, il a inspiré de nombreux compositeurs contemporains, dont certains sont restés dans l’anonymat, voire sont connus seulement des initiés, et des passionnés de musique contemporaine.
Si cet album débute avec une étude d’un des plus célèbres (sinon le plus célèbre) compositeurs de musique minimaliste, Philip Glass, il fait la part belle à des quasi-anonymes, à l’instar du compositeur géorgien Giya Kancheli, disparu en 2019, des compositeurs polonais Henryk Mikolaj Gorecki, décédé en 2010, ou bien encore de Wojciech Kilar, disparu en 2013.
L’étude numéro 4 de Glass est une bonne introduction, complétée par un pont composé par l’interprète lui-même entre cette étude au rythme variant et le « Concerto pour piano et orchestre à cordes opus 40 » de Gorecki.
Cette liaison est presque parfaite tant elle s’inscrit comme une continuité et une évolution entre ces deux œuvres.
J’ai réellement apprécié ce concerto pour piano et section à cordes, originellement écrit pour le clavecin.
Dans le premier mouvement, son absence de thème et sa rythmique obstinée, quasi obsédante, encadrée par ces cordes aux tonalités de cœur d’église, sont en quelque sorte la parfaite expression de ce minimalisme sacré qui orienta la seconde partie de la vie du compositeur polonais.
Le deuxième et dernier mouvement « Vivace marcatissimo » déploie un ostinato effréné et nerveux, presque hypnotique.
Le « Canto Ostinato » du compositeur néerlandais Simeon Ten Holt fait figure ici de miniature.
En effet, cette pièce composée de 106 cellules, qui peuvent être répétées selon le bon vouloir des interprètes, avec ou sans leurs variantes, laisse l’entière liberté de tempo et de dynamique aux interprètes.
Elle a été par ailleurs créée à l’origine pour 4 pianos dans un format qui varie entre une demi-heure et une journée entière.
Les sept petites minutes du piano de Szymon Nehring constituent donc un concentré de ce chant obstiné, dont le thème revient sans cesse avec une régularité rythmique mais avec une déclinaison harmonique et une variation de la modulation, de la pulsation sans limite. Difficile sans doute de tenir cette pulsation sur un intervalle trop long au disque et avec un seul piano… Cela reste de toute évidence une œuvre emblématique de la musique minimaliste, interprétée ici avec beaucoup d’élégance et de sensibilité.
La « Valse Boston » de Giya Kancheli est la partie centrale de cet album, pour moi une des plus captivantes.
Cette pièce concertante, en un seul mouvement pour piano et orchestre, développe un thème de valse de façon très progressive, jouant autant avec les jeux de lumière qu’avec les silences.
J’aime ces compositions dans lesquelles chaque phrase d’un instrument (en l’occurrence ici le piano) apporte une tonalité différente, variant parfois de façon quasi imperceptible. Et pourtant, tout se met en forme progressivement, comme les touches de couleurs successives d’une aquarelle venant créer un climat particulier.
Et puis cette œuvre bénéficie vraiment d’une prise de son très soignée, la balance piano orchestre étant très bien dosée.
Les « Variations pour la guérison d’Arinuschka » d’Arvo Pärt forme une continuation totalement cohérente et naturelle de la Valse Boston.
La pièce contient six courtes variations basées sur un thème très simple d’une gamme d’octave montante et descendante. Le paysage sonore, clair et transparent, de cette première composition tintinnabuli (style musical créé par Arvo Pärt) est créé par les harmoniques résonnantes et l’utilisation subtile de la pédale.
C’est le Concerto de Wojciech Kilar qui vient clore cette célébration du minimalisme.
C’est une œuvre qui débute avec un Andante contemplatif, quasi religieux, et qui se trouve renforcé par un second mouvement Largo particulièrement puissant dans sa première partie et beaucoup plus méditatif dans la partie dévouée au soliste.
Là encore, Szymon Nehring nous régale de ses subtiles clairs-obscurs.
La Toccata finale témoigne d’une certaine furie. C’est un passage éminemment virtuose, mais aussi très rythmique et faisant place à une orchestration plutôt complexe. Cela illustre sans doute jusqu’où il est possible de repousser les limites de ce genre minimaliste.
C’est un concerto qui ne ressemble en fait à aucun autre…
À l’instar de la devise architecturale « Less is more », cet album minimaliste appelle finalement une longue critique.
Cela démontre que cette musique du vingtième siècle continue à nous parler et nous guider vers des horizons changeants et complexes. C’est un voyage qu’on entreprend ici avec beaucoup de plaisir…
- Titre : Minimalist.
- Artistes : Szymon Nehring (piano), Polish radio Orchestra, Michal Klauza (direction).
- Format: PCM 24 bit, 96 kHz.
- Ingénieur du son: Andrzej Sasin.
- Editeur/Label: IBS Classical.
- Année: 2024
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.
