C’est un disque d’une série de trois, chacun dédié à un instrument à vent emblématique de la Belle Époque, projet porté par le pianiste Laurent Wagschal.
Celui-ci est dédié au cornet à pistons, et rassemble le duo formé par Laurent Wagschal avec le trompettiste et cornettiste Éric Aubier. Cette série aurait d’ailleurs tout aussi bien pu s’intituler « Laurent Wagschal and friends ».
Précisons au passage que les deux autres CD de ce triptyque célèbrent respectivement la flûte (avec le flûtiste Vincent Lucas) et le hautbois (avec Alexandre Gattet).
Mais il s’agit néanmoins ici de saluer cette école française du cornet romantique par des pièces inédites, lyriques et expressives : bienvenue donc au Paris du début du 20ème siècle !
C’est toujours un peu déroutant de se confronter en tant que critique à un répertoire méconnu, et c’est clairement le cas ici, ou de faire référence à une atmosphère artistique de temps que nous n’avons pas connus.
L’exercice ne doit pas être plus facile pour les interprètes, et le résultat force néanmoins le respect. Car cette atmosphère lyrique et quelque peu surannée vient nous remémorer nos souvenirs de films anciens sans paroles, où cette musique occupait un rôle de premier plan.
Cet album constitue aussi une belle opportunité de découvrir des compositeurs oubliés, à l’instar du cornettiste Jean-Baptiste Alban avec sa Fantaisie brillante, musicien qui réussit à imposer une classe de cornet au conservatoire de Paris à la fin du 19ème siècle, ou bien encore de Guillaume Balay, qui dirigea la Garde Républicaine jusqu’en 1927.
A noter également que de nombreuses pièces figurant sur ce disque ont été écrites pour des concours ou des examens.
Mais au delà de cet effort manifeste de documentation historique, le plaisir d’écoute est bien présent.
Ces pièces de moyenne durée offrent suffisamment de densité et de diversité pour ne jamais s’ennuyer, et j’adore cette sonorité chaude, ronde et enjouée du cornet à pistons.
L’accompagnement de Laurent Wagschal est, je dois sans doute m’habituer à en faire les louanges, d’une incroyable justesse.
Et puis, contrairement à la trompette qui évolue toujours dans une dimension sonore majestueuse, voire inaccessible, le cornet nous rapproche de la voie humaine et permet une diversité de contrastes sonores et rythmiques particulièrement étendue.
Les deux instruments piano et cornet fusionnent d’ailleurs à la perfection.
Si je dois m’attacher au répertoire, ce fut une surprise de constater un tel niveau de qualité d’écriture. Il n’y a pas de déchet : chaque morceau est une petite pièce d’orfèvrerie, dont on parcourt les contours avec infiniment de plaisir.
Quelle beauté et quelle modernité ! Ce côté désuet auquel fait penser cette musique tient finalement plus du cliché et de la piètre qualité des enregistrements d’époque, que de sa nature intrinsèque. Et lorsqu’on se trouve face à deux musiciens aussi talentueux, et aussi bien capturés par le preneur de son, alors cette musique vous élève, et vous transporte vers tout autre chose : sans doute est-ce là une manifestation de ce qu’on pourrait qualifier de beauté intemporelle…
- Titre: Paris 1900 – The art of the Cornet.
- Artistes : Eric Aubier (cornet à pistons), Laurent Wagschal (piano).
- Format: PCM 24 bit, 96 kHz.
- Ingénieur du son: Thomas Vingtrinier.
- Editeur/Label: IndéSENS !
- Année: 2021
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.