La pianiste ukrainienne Anna Fedorova et l’Orchestre symphonique de Saint-Gall, sous la direction de Modestas Pitrenas, achèvent leur intégrale des concertos pour piano de Rachmaninov, avec l’enregistrement du Troisième Concerto pour piano.
Une version de plus, me direz-vous, parmi une discographie très dense… on ressent ici une certaine autorité, une verticalité qui donne à cette performance une forme presque symphonique et un tantinet moins concertante.
Cette cohésion d’ensemble est presque un parti pris, et on ressent un orchestre accompagnant davantage la jeune pianiste qu’il ne lui répond vraiment.
La prise de son renforce pleinement cette impression avec un piano très lisible et un orchestre qui fusionne parfaitement derrière dans un cadre très holographique.
La qualité de l’enregistrement du label Channel Classics est remarquable et on a réellement la sensation d’être présent sur le lieu de l’enregistrement ou dans la salle de concert.
La prestation d’Anna Fedorova s’inscrit également dans le cadre d’un contrôle à toute épreuve, celui d’un lyrisme d’une grande sobriété, proposant ainsi un jeu moins bouillonnant que ceuxi de Byron Janis avec le LSO (enregistrement Mercury) ou de l’exubérante Khatia Buniatishvili avec le Philharmonique Tchèque de Paavo Järvi (enregistrement Sony).
Il y a pourtant de la profondeur, de la puissance, mais aussi beaucoup de sensibilité et de mélancolie dans le jeu de l’ukrainienne. Chaque phrase semble portée par un juste équilibre de passion et de pudeur. Cela donne une grande pureté à cette interprétation, à mettre au crédit tant de la soliste que de l’orchestre.
Cela en fait une interprétation qu’on écoutera souvent, sans jamais se lasser tant elle évite les écueils d’un jeu trop spectaculaire. La partition est suffisamment ardue pour ne pas en rajouter.
On découvre finalement davantage les qualités de l’orchestre de Saint-Gall dans la « Symphonie des jeunes » en ré mineur du même compositeur, premier mouvement d’une symphonie écrite par Sergueï Rachmaninov, dont la partition est datée du 28 septembre 1891. C’est le seul mouvement de l’œuvre achevé, et finalement assez peu enregistré…
L’excellente prise de son permet d’apprécier tout le potentiel de l’orchestre symphonique.
La conduite de la phalange suisse par Modestas Pitrenas reste assez musculaire, mais on apprécie cette grande lisibilité à l’écoute.
J’apprécie davantage le tempo plus rapide, plus léger, de Vladimir Ashkenazy à la tête du Concertgebouw dont l’enregistrement fut publié chez DECA.
Néanmoins, cette version Channel Classics n’est pas exempte de qualités, à savoir la qualité tonale de la section des instruments à vent (superbe), la beauté des contrebasses et la stabilité de l’image stéréo ainsi que la cohérence globale.
Le tempo plus lent confère des accents mahleriens à cette interprétation, une forme de dramaturgie qui n’est pas sans intérêt.
C’est indéniablement une version très élégante !
Cet album se termine avec une composition ukrainienne pour piano seul du compositeur contemporain Valentin Silvestrov, « The Messenger », pièce écrite peu de temps après le décès de son épouse.
L’esprit de Mozart plane au-dessus de cette œuvre afin de porter un message céleste, un espoir de paix en ces temps troublés.
Le côté extrêmement dépouillé et pur de cette musique trouve en la pianiste ukrainienne une interprète, voire une ambassadrice, de grande classe, sobre et sensible.
Cette méditation finale achève de nous convaincre des qualités artistiques et techniques de cet enregistrement qui mérite amplement qu’on lui décerne un Grand Frisson. Bravo !
- Titre: Rachmaninoff – Piano concerto n°3, Youth Symphony.
- Artistes : Anna Fedorova (piano), Sinfonieorchester Saint Gallen, Modestas Pitrenas (direction).
- Format: DSD 256.
- Ingénieur du son: Jared Sacks.
- Editeur/Label: Channel Classics – téléchargement Native DSD
- Année: 2023
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Exceptionnel.