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Résonances : œuvres des compositeurs catalans Narcis Bonnet et Frédéric Mompou

C’est un hommage à la Catalogne que nous propose ce disque réunissant la pianiste Ester Pineda et la violoniste Ariane Granjon autour des œuvres de Narcisse Bonet et Federico Mompou.

Ce n’est clairement pas un terrain inconnu pour les deux protagonistes de cet album récemment sorti chez Vde-Gallo, puisqu’Ester Pineda a été l’élève de Mompou, et que la violoniste Ariane Granjon partage apparemment cette passion pour la musique catalane du XXème siècle.

C’est aussi avec une certaine intimité, doublée d’une ferveur raisonnée, que les deux musiciennes abordent ce récital, par ailleurs intelligemment construit et équilibré entre les deux compositeurs et amis catalans. 

Et puis je trouve qu’elles forment un joli duo, ayant une préférence pour les dialogues que les monologues de la pianiste. Et pourtant, il est difficile de trouver à redire à l’interprétation d’Ester Pineda. Mais la complémentarité et complicité évidente des deux interprètes pousse le plaisir d’écoute un peu plus loin, tout simplement.

L’album débute avec des pièces de Mompou, et plus précisément deux de ses six chansons et danses. La sixième a été composée en hommage à Arthur Rubinstein et, tel un brusque rayon de soleil qui nous irradie par surprise, nous met directement dans l’ambiance latine, chaude et nostalgique de la Catalogne.

La première chanson, dans une transcription pour violon et piano de Xavier Turull, se veut plus mélancolique, et le timbre du violon d’Ariane Granjon sied particulièrement à cette berceuse inspirée d’une chanson catalane, se transformant par la suite en un mouvement de danse à trois temps.

« Altitud » est tout aussi captivant, encore ce timbre très saturé du violon qui vient vous charmer, et cet élégant équilibre qui fait qu’aucune des deux interprètes ne surjoue.

Le fait d’alterner les morceaux piano solo et duo donne une vraie respiration au disque.

Et puis les atmosphères musicales se succèdent en apportant leur lot de changements. 

« Les jeunes filles du jardin » est un moment facétieux, en parfaite harmonie avec les consignes du compositeur qui invitait les interprètes à « chanter avec la fraîcheur de l’herbe humide ». La transcription pour piano et violon de Joseph Szigeti donne par ailleurs une dimension assez différente du cinquième mouvement des scènes d’enfants pour piano avec ces accents au violon plus marqués.

On ne retrouve peut-être pas chez Ester Pineda la magie qu’un Arcadi Volodos est capable de distiller sur les Préludes de Mompou, mais en revanche, on y trouve une interprétation sans doute plus conforme à l’original, plus ancrée dans le territoire ou historiquement informée, et avec une utilisation plus sobre de la pédale qui correspond à mon humble avis davantage au style de Federico Mompou.

Le sixième prélude surprend par sa nature anguleuse mais le phrasé sûr, j’oserais même dire « serein », d’Ester Pineda permet d’apprécier d’autant plus la force expressive de cette œuvre, la pianiste exécutant parfaitement la suite de notes détachées à la main droite tout en maîtrisant la tension portée sur la main gauche.

Enfin  »Elegia » est la transcription pour violon et piano d’une mélodie poignante dont la partie au violon est empruntée au cycle vocal Combat del somni (Le combat du rêve) écrit entre 1942 et 1948. La prestation de la violoniste est particulièrement émouvante, sans pour autant donner dans l’excès de sentimentalisme.

La complémentarité du répertoire de Narcis Bonet, qui nous a quitté en 2019, est assez évidente. Il partage avec son aîné le même goût pour la musique tonale et les pièces courtes.

Ses cinq Nocturnes pour piano sont joués ici. Ces compositions écrites entre 1949 et 1953 n’ont été révélées qu’en 1993 à Paris. Là encore, le temps passé au Conservatoire de Barcelone confère une aisance et une authenticité touchante au jeu d’Ester Pineda.

La Sonatine de Fontainebleau pour violon et piano n’est pas sans rappeler Mozart. C’est sans conteste le passage de cet album qui s’éloigne le plus des rives catalanes, du moins le croît-on au début. En effet, les harmonies hispanisantes du piano rendent cette évocation quand même très singulière et… extrêmement sautillante. C’est très joliment écrit et joué. L’Adagio tempère l’entrain de l’Allegro initial, et nous emmène vers des horizons plus proches de Debussy que de Mozart. L’Allegro final repart avec beaucoup de rythme, pour muer progressivement vers des sonorités flamenco. Une sonatine très virevoltante !

Les Danses llunyanes [lointaines] pour violon et piano sont une invitation à un voyage rêveur et contemplatif. On devine quelques consonances asiatiques, sud-américaines…

La partition est plus simple et moins inspirante que le répertoire de Mompou.

L’engagement du duo arrive néanmoins à extraire de ces quatre courtes danses un joli moment de poésie.

Un très bon disque au final.

  • Titre: Résonances : œuvres des compositeurs catalans Narcis Bonnet et Frédéric Mompou.
  • Artiste: Ester Pineda (piano), Ariane Granjon (violon).. 
  • Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz
  • Ingénieur du son : Jean-Pierre Bouquet.
  • Editeur/Label: VDE-Gallo.
  • Année: 2021
  • Genre: Classique
  • Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Format CD uniquement.