Le trio Chausson est constitué du violoniste Matthieu Handtschoewercker, du violoncelliste Antoine Landowski et du pianiste Boris de Larochelambert.
Cet enregistrement est dédié à deux trios en ré mineur composés par une sœur et son frère : Fanny Hensel-Mendelssohn et Félix Mendelssohn.
Pour s’inscrire dans un contexte historique, il est utile de mentionner que le Trio opus 11 en ré mineur a été composé par Fanny un mois avant sa mort. Elle choisit pour cet unique trio la tonalité en ré mineur pour faire écho à celui composé par son frère quelques années plus tôt. Elle aura d’ailleurs l’occasion de le jouer en public, événement qui ne se sera produit que deux fois au cours de sa courte existence.
Le but avoué du trio Chausson est alors de réhabiliter l’importance du rôle de la pianiste, non pas seulement dans son propre travail de compositrice, mais aussi dans celui de son frère. Cela permet aussi de mettre en lumière la relation fusionnelle qui a pu exister entre le fils et la fille Mendelssohn, ainsi que la jalousie développée par Félix vis-à-vis du génie musical de son aînée, qu’il essaiera d’étouffer à maintes reprises, s’accaparant même une partie de son travail.
Le disque s’ouvre sur l’œuvre de la compositrice, honneur aux dames.
La ferveur du Trio Chausson transparaît immédiatement. Cet élan romantique vous submerge, aidé par une excellente qualité technique de la prise de son et du mastering.
Bref, j’adore, je suis d’emblée totalement conquis.
La comparaison des deux trios de la fratrie Mendelssohn est inévitable. L’intention de Fanny, lorsqu’elle a composé un trio dans la même tonalité que son frère, n’était-elle pas de lui faire un pied de nez affectueux, de prendre sa revanche ou de se libérer pleinement de l’emprise de Félix ?
Les membres du Trio Chausson prennent de toute évidence parti pour la cause de la sœurette.
Le premier mouvement, allegro molto vivace, du trio de Fanny Mendelssohn n’observe aucun préliminaire et fait parler le feu de bien jolie manière. La construction est particulièrement équilibrée entre les trois instruments, et cette interprétation le souligne à la perfection. Les membres du Trio Chausson jouent à l’unisson.
Je n’ai pas eu le loisir d’écouter des versions aussi équilibrées, où la partition est exprimée avec autant de clarté.
J’avais pourtant apprécié dernièrement l’enregistrement du trio hispanique Alejandro Bustamante, Lorenzo Meseguer, et Alberto Rosado. Mais il y a une perspective et une qualité de son qui place cette dernière version des Chausson au dessus de la mêlée, même si le jeu peut paraître moins bouillonnant, plus sage, dans son ensemble.
L’Andante espressivo vient confirmer cet esprit de communion chez le trio. Il est particulièrement délicat et poignant.
Par rapport à de nombreuses versions, ce que j’apprécie ici est la pulsation juste et continue, une sorte d’élan vital, qui est insufflée par les Chausson. Dans de nombreuses versions, le piano semble un peu à la traîne, ou décalé, par rapport au violon et au violoncelle, alors qu’il imprime ici un rythme qui va au delà de la pause contemplative qu’ont peut percevoir bien souvent.
Dès le commencement du dernier mouvement, allegretto moderato, le phrasé du piano est bien plus modulé, les intentions plus fines, et autant le violon que le violoncelle rivalisent de délicatesse et d’entrain. Quel merveilleux trio !
En abordant le molto allegro ed agitato du trio opus 49 de Felix Mendelssohn, on ne peut que remarquer l’étonnante symétrie des deux compositions.
On ressent néanmoins davantage de liberté et de sensibilité chez la sœur, plus d’inspiration peut-être ?
Les qualités d’interprétation du Trio Chausson sont en tout cas immuables. Cette pulsation qui m’avait tant plu dans le premier trio reste une fondamentale solide du second. Et puis quelle cohérence dans l’andante !
Le troisième mouvement scherzo est joué sur un tempo rapide mais sans aucun impact sur la cohésion du trio. Ces trois jouent remarquablement ensemble. On frôle la perfection…
Après le final allegro, assai moderato, de toute beauté, mon opinion est arrêtée : quel dommage que la sœur aînée se soit si souvent effacée. C’est bien son trio qui constitue la pépite de cet enregistrement et que je réécouterai avec un ineffable plaisir renouvelé.
Un Grand Frisson amplement mérité pour cette superbe initiative !
- Titre: Trio Chausson – Fanny et Felix Mendelssohn.
- Artistes : Matthieu Handtschoewercker (violon), Antoine Landowski (violoncelle), Boris de Larochelambert (piano).
- Format: PCM 24 bit, 192 kHz.
- Ingénieur du son: Olivier Rosset.
- Editeur/Label: Mirare.
- Année: 2021
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): Réel.