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Vincent Bernhardt : BACH – Das Wohltemperierte Klavier – Teil 1.

Enregistré sur un grand clavecin allemand doté du jeu grave de « 16 pieds » typique de l’époque de Bach, Vincent Bernhardt a choisi l’ascension du sommet K2 himalayen par la face nord, bref loin du confort offert par un instrument plus conventionnel.

L’instrument, c’est peut-être lui en effet la vraie star de ce double album. C’est un clavecin construit en 2018 par le berlinois Mathias Kramer d’après un modèle de Christian Zell, facteur de clavecin et contemporain de Jean-Sébastien Bach. Ce modèle est notamment doté de quatre jeux et d’un jeu de luth, proposant ainsi une très large palette de sonorités. Il abrite également une double table d’harmonie pour les cordes du jeu de 16 pouces, ce qui lui permet de descendre d’une octave par rapport aux clavecins ordinaires.

Cette large palette tonale renvoie ainsi à la formation d’organiste tant du compositeur que de l’interprète, à ce détail près que l’instrument reste un clavecin. Cela fait toute la singularité et la difficulté de cette adaptation, et je crois qu’il est un peu illusoire de vouloir comparer cet exercice aux performances des illustres maîtres du contrepoint et du clavecin que sont le fougueux Scott Ross, le tellement exact Gustav Leonhardt ou bien encore le virtuose Pierre Hantaï.

Si on n’accepte pas cette singularité et le parti pris de cette approche hybride mi-claveciniste mi-organiste, cela ne peut représenter vraiment d’intérêt.

Cet enregistrement ne plaira donc sans doute pas aux irréductibles gardiens du temple de Jean Sébastien Bach. Je souris en repensant aux divergences d’opinions qui avaient pu naître lors de l’enregistrement de la même œuvre au piano par Edna Stern, dans une même perspective organiste… et bien ici c’est un peu la même histoire, sauf que l’instrument a été adapté pour mieux servir l’intention…

L’originalité vient également d’un examen détaillé du manuscrit autographe du premier livre du Clavier bien tempéré dont les plus infimes variations d’annotations ouvrent pour Vincent Bernhardt le champ des possibles. Nous voilà donc confrontés à la rigueur d’une version historiquement informée, s’opposant à celles des grands interprètes qui se sont appropriés l’esprit du Clavier bien tempéré…

Certains passages comme celui du prélude BWV 848 font bien ressentir l’ampleur du son de l’orgue, avec des nuances dans le grave assez rarement entendues. Moins simple que de reproduire un contrepoint exact qu’avec un clavecin français, on est souvent assez loin du chant de Scott Ross ou de la justesse de Leonhardt. Mais l’intérêt est encore une fois ailleurs, sur cette possibilité que la perfection interprétative des œuvres de Bach au clavecin est peut-être une fausse direction, ou du moins une lecture finalement imparfaite d’une réalité plus complexe.

Si le résultat joue davantage sur l’intellect et la démonstration du potentiel de ces grands clavecins, il n’apporte pas l’équilibre ou la béatitude des grandes références de la discographie.

Alors, que doit être la lecture parfaitement fidèle du Clavier bien tempéré ? J’avoue sortir de ces écoutes sans avoir même un début de réponse. Comme quoi Bach continuera à nous émerveiller et nous intriguer. Cet éclairage différent nourrit à juste titre la diversité. La prise de son, forcément peu évidente avec un tel instrument, est très qualitative et met bien en valeur la richesse tonale du clavecin allemand. Un bon disque.

  • Titre: BACH – Das Wohltemperierte Klavier – Teil 1.
  • Artistes: Vincent Bernhardt (clavecin).
  • Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz 
  • Ingénieur du son : Frédéric Briant.
  • Editeur/Label: Calliope.
  • Année: 2020
  • Genre: Classique.
  • Intérêt du format HD : Format CD uniquement.