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COS D10

Encore un nouveau lecteur réseau / convertisseur / préamplificateur en provenance d’Asie qu’on me propose de tester. Ce COS D10 est plus précisément originaire de Taïwan.

COS Engineering est en effet une société taïwanaise fondée par trois amis audiophiles en 2014 : Chi-Chieng Fang, alias C.C. (Directeur Général et principal investisseur), Oliver Wang, et Stephen Gong, d’où le nom de COS reprenant les initiales des trois prénoms. Oliver et Stephen se sont connus lorsqu’ils étaient à l’université. En 1990, ils ont fondé ensemble la société Cipherlab, spécialisée dans les systèmes de reconnaissance numérique, à savoir la conception et fabrication de lecteurs de codes-barres, ou de lecteurs de cartes magnétiques, des terminaux portables, etc. L’entreprise était plutôt florissante mais avait sans doute trop de compétences techniques, et pas assez de compétences commerciales et de management.

Comme les deux amis envisageaient une introduction en bourse, il fallait injecter dans la société des compétences nouvelles. C’est à ce moment que Stephen et Oliver ont fait appel à Mr C.C, à l’époque doyen du département de comptabilité d’une université renommée de Taiwan. C.C a rejoint ainsi Cipherlab en tant que consultant pour endosser par la suite la veste de PDG de l’entreprise. Cela n’a pas empêché les trois amis de se désengager de Cipherlab après avoir œuvré pendant de nombreuses années au développement de l’entreprise, ce afin de profiter de la vie et passer à autre chose. Stephen et Oliver auront passé pas loin de 20 années dans cette société. Les anciens associés après avoir goûté aux plaisirs de l’oisiveté et fait un break de plus de deux années, se sont retrouvés autour du même constat : il était un peu trop tôt pour prendre leur retraite. Stephen avait bien essayé de se reconvertir en golfeur de haut niveau, mais la petite balle blanche était plus capricieuse qu’il se l’était imaginée.

Quand Oliver réunit la bande des trois chez lui pour faire écouter à Stephen et C.C un logiciel de suréchantillonnage numérique, l’enthousiasme revint aussitôt : il y avait visiblement des champs d’investigation et des projets à mener dans le secteur de la hi-fi. L’aventure COS démarra ainsi avec le lancement d’un premier produit D1 en 2014. Chez COS, Oliver s’occupe de la partie logicielle, Stephen s’occupe de l’électronique et de la promotion des ventes (il a donc été mon contact naturel dans le cadre de ce banc d’essai). Quand à C.C, s’il n’est pas un technicien dans l’âme, il reste les oreilles de COS et est capable de comprendre précisément si les travaux de ses deux associés vont dans la bonne direction, ou s’il reste encore du travail de mise au point. C’est ainsi à C.C qu’appartient le dernier mot et la responsabilité de la validation finale des produits de COS Engineering.

La production des appareils est sous-traitée à une usine avec qui les fondateurs de COS Engineering travaillent depuis plus de vingt ans. Le choix de ne pas fabriquer directement est motivé tant par des questions de qualité que de rentabilité, bref, il s’agit tout simplement d’un problème de taille critique. COS Engineering choisit donc d’externaliser sa production tout en dédiant des ressources propres pour le contrôle qualité tout au long du cycle de production et jusqu’à la réception et validation des tests post production.

Le COS D10 fait à la fois office de convertisseur, de préamplificateur et d’ampli casque. Il propose en option une carte de lecture réseau et un préampli phono RIAA universel. Mon exemplaire de prêt disposait de toutes ces options, que j’ai donc testées à l’exception de la partie phono qui ne fait plus partie de mon monde depuis fort longtemps. L’appareil est livré dans un flight case logoté, ce qui de prime abord est séduisant, mais qui se révèle à l’usage peu utile car ce n’est pas forcément un équipement nomade.

Mais comme il fait beaucoup de chose, cela peut éventuellement vous éviter d’en commander deux, un pour votre résidence principale et un autre pour votre résidence secondaire. Après, est-ce qu’on part vraiment en vacances avec ce type d’équipement ? J’aurais tendance à penser qu’il faut sacrément être accro à son système… un bon baladeur audiophile devrait sans doute faire l’affaire. Toujours est-il que vu le prix demandé pour cet appareil, on n’a pas la sensation que le coût du flight case ait eu une grosse incidence sur celui-ci. C’est donc plutôt satisfaisant, mais vous aurez une valise de plus à caser chez vous !

Sorti de sa mallette de transport, le COS D10 arbore un look minimaliste, et dégage une impression de qualité de fabrication plutôt élevée. L’électronique est logée dans un double coffret, composé d’un châssis en tôles habillé de panneaux de plusieurs millimètres d’épaisseur d’aluminium usiné en finition micro-perlée. Dans la mallette, on trouve également une télécommande en aluminium au style aussi épuré que le boîtier de l’appareil. Les commandes en façade de l’appareil sont tout aussi minimalistes. Un bouton rotatif assure à lui seul l’essentiel des fonctions disponibles. Une pression longue permet d’allumer ou d’éteindre le COS D10. Une pression courte change la source. Une rotation dans le sens horaire ou antihoraire augmente ou diminue le volume. On ne peut faire plus simple. Le COS sur ce point se trouve aux antipodes de mon Esoteric N-05XD.

Cette apparente simplicité ne fait pas pour autant du COS D10 un appareil particulièrement limité. En effet, on trouve sur la façade avant, à côté de l’afficheur OLED de 256 x 64 pixels, trois prises casques : une XLR quatre broches centrale ainsi que deux prises mixes (XLR trois broches / jack 6,35 mm). Difficile de faire plus complet sur un appareil qui n’est pas exclusivement destiné à cet usage. Le panneau arrière est aussi très richement pourvu. On y trouve un large choix d’entrées numériques : optique Toslink, coaxiale sur RCA, USB-B, AES/EBU sur XLR et I2S sur HDMI. Deux entrées analogiques, sur RCA et XLR, complètent la panoplie. Les sorties ligne offrent le choix entre connexion symétrique XLR et asymétrique RCA. La carte phono disponible sur option n’a a priori rien d’un gadget. Il s’agit d’un module particulièrement abouti, comportant des sélecteurs pour ajuster le gain, la charge et la capacitance afin d’être compatible avec tous types de cellules MM ou MC. La carte de lecture réseau (également optionnelle) utilise une carte mconnect fournie par Conversdigital. Proposant une liaison Ethernet ou WiFi, elle fonctionne tout aussi bien en mode DLNA/UPnP, Spotify Connect et Roon.

Le COS D10 est utilisable avec un grand nombre d’applications, et bien évidemment Mconnect et Roon, mais aussi celle de Lumin en déclarant préalablement le D10 dans BubbleUPnP. Le COS D10 dispose de deux étages d’alimentation, afin de ségréguer les parties numériques et analogiques. En amont le D10 bénéficie d’une unité blindée de filtrage du courant secteur. La conception de l’appareil est totalement symétrique et les différents modules numériques sont séparés afin de permettre d’éventuelles mises à jour hardware dans le futur. C’est aujourd’hui chose courante, mais il est toujours bon de s’en assurer pour vérifier si l’appareil est évolutif. C’est le cas pour le D10. L’étage de traitement numérique effectue un reclocking et un suréchantillonnage jusqu’à 176,4  kHz ou 192 kHz à partir d’un processeur Texas Instruments (OMAP-L138B).

Le COS D10 utilise une mémoire tampon qui est activable ou désactivable via un commutateur situé sur le panneau arrière de l’appareil. COS recommande d’activer l’interrupteur pour que les performances du streamer soient optimales. Cette mémoire tampon d’une seconde permet ainsi de limiter la gigue en facilitant le travail de l’horloge interne chargée de cadencer le signal numérique. Dans le cadre d’une utilisation mixe audio vidéo, COS conseille néanmoins de désactiver la mémoire tampon (ou de la réduire à son minimum requis) afin de réduire les problèmes de latence entre le traitement du signal audio et celui de la vidéo. En matière de conversion N/A, elle est confiée pour chaque canal à une puce Texas Instruments Burr-Brown PCM1792A, 24 bits/192 kHz, affichant une mesure très honorable de 132 dB de rapport signal/bruit. Cette puce travaille en mode différentiel associée à un réseau d’amplis OP spécifiques à COS et avec un filtrage de type FIR à pente douce.

Les sorties casque sont alimentées par des modules d’amplification National Semiconductor à très faible bruit et distorsion (LM49990). Le LME49990 fait partie de la série d’amplificateurs opérationnels à distorsion ultra-faible, à faible bruit et à vitesse de balayage élevée. Il combine en fait une faible densité de bruit de tension (0,9 nV/√Hz) avec une THD+N (0,00001 %) très basse. Le LME49990 a une vitesse de balayage élevée de ±22V/μs et une capacité de courant de sortie de ±27mA. Il pilote des charges de 600 Ω à moins de 2 V de l’une ou l’autre des tensions d’alimentation. Les sorties préamplificateur utilisent des amplis OP du même type et du même fabricant. Le contrôle de volume se fait dans le domaine analogique sur 140 pas de 0,5 dB (de -63,5 à +6 dB), par le biais de réseaux de résistances commutées. Enfin, COS utilise des systèmes d’isolation galvanique et l’ensemble des composants employés semblent de très haute qualité.

Impressions d’écoute :

J’ai testé le D10 dans différentes configurations, et l’ai confronté également à deux appareils offrant les mêmes possibilités dans le domaine numérique et disposant d’une section préamplificatrice de bonne facture, à savoir l’Esoteric N-05XD et le Lumin P1. Ces deux concurrents sont néanmoins vendus au double du prix demandé pour le COS D10, ce qu’il faut bien avoir en tête pour relativiser les impressions d’écoute commentées ci-dessous.

La première configuration dans laquelle j’ai écouté longuement le COS D10 est celle du lecteur réseau et DAC en entrée d’un préamplificateur analogique à tube lui-même relié à des amplificateurs monophoniques a tubes (ensemble Coincident Speaker Technology), le tout sur des enceintes Vivid Audio G1S. La lecture réseau a été faite via mon NAS Synology et MinimServer 2. Je dois préciser que le COS D10 n’étant pas Open Home, il convient préalablement de déclarer le renderer dans BubbleUPnP. Le COS propose une écoute plus mate, légèrement moins dynamique que ce que j’ai l’habitude d’écouter avec le lecteur Esoteric N-05XD dans les mêmes conditions. Il y a moins de détails d’ambiance, moins d’aération et des extinctions de notes plus courtes. L’Esoteric procure aussi davantage de sensation de présence, le COS imposant plus de distance entre la scène sonore et l’auditeur.

En revanche, le COS D10 m’a surpris très positivement par son image stéréo particulièrement structurée. L’appareil des trois amis taïwanais restitue également des timbres chatoyants, ainsi que beaucoup de clarté dans le bas médium. Le second concerto pour piano de Rachmaninov interprété par Dong Hyek Lim avec le BBC Symphony Orchestra semble un peu contraint dans sa dynamique, bien que l’écoute se révèle globalement agréable. Les extinctions de notes du piano semblent durer moins longtemps, le vibrato des sections à cordes est moins perceptible. J’ai alors essayé de basculer d’UPnP et Minimserver vers mon serveur Roon. Généralement, j’obtiens des résultats avec Roon allant de légèrement moins bons à identiques, ce qui pour moi ne justifie pas le prix de la licence payée à Roon tous les ans (et qui a tendance à augmenter) par rapport à Minimserver 2 dont le coût est bien plus modique. Néanmoins avec le COS D10, le passage à Roon server s’est avéré salutaire : j’ai retrouvé une grande partie de la richesse harmonique, le filé dans les aigus, la dynamique et l’articulation que je suis habitué à écouter sur mon système de référence. J’ai donc signalé cette petite anomalie sur la partie UPnP à Stephen Gong sans avoir pour autant de réponse en retour.

En utilisant le contrôleur de volume interne du D10, on obtient moins de dynamique, surtout sur sa sortie RCA en liaison directe avec les blocs monophoniques single ended Turbo 845 de Coincident Speaker Technology. L’écoute est beaucoup plus globale qu’avec l’Esoteric N-05XD. La balance tonale est un peu plus sombre, et il y a moins de détails et de variété qu’avec l’Esoteric. Je pense aussi que les deux contrôles de volume ne jouent pas dans la même ligue, celui du lecteur japonais étant plus précis. En passant au Lumin P1, la différence entre les deux serveurs audio Roon et Minimserver est beaucoup moins marquée. Le Lumin P1 délivre une plus grande dynamique, ainsi qu’une image plus large, dépassant nettement du cadre des enceintes.

On ressent les bienfaits du réglage de volume Leedh Processing, qui offre un niveau de détail supérieur à celui du COS D10. Le Lumin P1 offre aussi davantage la sensation de live que le COS D10. Autre point fort du Lumin P1 : la gestion des fichiers DSD qui expriment sur cet appareil tout le potentiel de la haute définition qu’on peut en attendre.

Le COS D10 joue davantage la carte de la douceur et de la saturation tonale. Autant le Lumin P1 affiche un ADN très numérique, autant le COS laisse planer le doute sur ses origines et la nature de ses entrailles, qui pourraient très bien abriter quelques petites triodes… Néanmoins, la bande passante est subjectivement moins importante que celle du Lumin, et le D10 plaira sans doute beaucoup aux amateurs de médium bien plein, et d’aigus très doux, pas trop incisifs. Deux esthétiques sonores assez différentes finalement, avec une hiérarchie tarifaire qui semble être respectée à l’écoute, sans tenir compte de la plus grande versatilité offerte par le Lumin P1 avec sa connectique archi-complète. L’Esoteric N-05XD apparaît finalement comme un compromis idéal entre les deux précédentes propositions. Il offre la clarté et la vivacité du Lumin P1 alliées à la fluidité et la plénitude du médium du COS D10.

Il est néanmoins primordial d’utiliser un serveur réseau adapté au COS D10, et je ne saurai que trop recommander l’utilisation de Roon dans ce cas précis. L’entrée USB du COS D10 est dans l’ensemble légèrement inférieure en termes de qualité à celle de l’entrée réseau Roon, mais supérieure au mode UPnP. En utilisant le Lumin X1 comme transport numérique, on gagne à remplacer le contrôle de volume interne par le Leedh Processing du streamer Lumin. On conserve cette très belle image stéréo, très structurée et stable. Le Leedh Processing permet de gagner un peu en résolution. Ainsi, le piano de Lang Lang dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini devient plus incisif avec le drive Lumin. Le phrasé est plus précis, plus articulé et moins coloré qu’en mode UPnP sur l’entrée Ethernet du D10. Mais en rebasculant sur Roon, on gagne immédiatement en aération, en relief. C’est de loin pour moi la meilleure écoute. Les guitares du Paco de Lucia Project sonnent de façon moins métallique avec Roon, il y a davantage d’informations d’ambiance. On a globalement l’impression d’être réellement présents dans la salle de concert.

Enfin, pour aborder la partie des sorties casque, celles-ci sont moins puissantes et légèrement moins détaillées que celles du lecteur réseau Esoteric. Néanmoins, elles offrent une certaine polyvalence et mon AKG K701 n’a pas rencontré de difficultés particulières avec une plage d’utilisation du D10 entre -13 dB et – 7 dB. Certains enregistrements DSD convertis automatiquement en PCM 176 kHz par le lecteur réseau D10 ont un niveau parfois un peu plus bas, et, par exemple, l’album DSD « Friday Night in San Francisco » m’a autorisé à monter le volume jusqu’à une atténuation de -3dB en écoutant, il est vrai, très fort. Même à niveau élevé d’ailleurs, l’écoute reste très confortable, peu fatigante, avec une belle résolution et une qualité de timbres indéniable.

Vu que l’appareil dispose d’une fonction boost à + 6 dB, je pense qu’il doit pouvoir autoriser l’utilisation de casques généralement compliqués à piloter directement à partir d’une source. Si je me réfère à l’expérience de mon ex Mola Mola Tambaqui, les sorties du COS D10 me paraissent bien plus performantes.

Conclusion :

Si je fais un bilan, je dirais qu’on reste globalement en dessous des résultats obtenus avec le Lumin P1 ou l’Esoteric N-05XD, mais avec un budget divisé par deux, ce qui confère au COS D10 un rapport qualité / prix remarquable. Je conseillerais avant tout le COS D10 aux inconditionnels de Roon, serveur audio qui fait réellement la différence par rapport aux serveurs UPnP. C’est en effet la première fois que je constate un écart aussi net en faveur de Roon.

Le COS D10 est également à recommander aux amateurs d’écoute au casque souhaitant se dispenser d’un amplificateur additionnel. Sur ce terrain, le D10 fait le job et peut alimenter un large panel de casques audiophiles avec un niveau qualitatif très élevé. Rajoutez à cela que la philosophie minimaliste du lecteur réseau de COS est une garantie contre les bugs et les soubresauts de la partie soft, permettant ainsi d’oublier la partie technique en se consacrant entièrement au plaisir d’écoute et rien d’autre.

Voilà donc dans cette gamme de prix un candidat sérieux à inscrire sur votre liste, appareil complètement focalisé sur sa fonction régalienne, à savoir la lecture de fichiers audio dématérialisés, et sans offrir une versatilité effrénée, à l’instar des lecteurs HIFI Rose par exemple. Si cela répond à vos attentes, alors le COS D10 constitue un choix idéal.

JC

Prix :

COS D10 6.000 € TTC. Option Carte réseau : + 1.200 € / Option Phono : + 1.200 €

Website : https://www.cosengineering.com/

Distribution : https://www.prestigeaudio-diffusion.fr

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