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KAD Audio K7 evo

Kaempfer Audio Design ou « KAD Audio », est une entreprise néerlandaise fondée par Ernest Kaempfer, basée à Apeldoorn dans la province de Gueldre, et dont le modèle haut de gamme, l’enceinte active KAD K7-evo, m’a été confié pendant quelques semaines. C’est après une longue carrière chez le fabricant de puces américain Intel (après avoir travaillé dans le secteur des télécommunications chez Philips, AT&T et Lucent Technologies) qu’Ernest Kaempfer décide de se lancer dans la conception d’enceintes haute-fidélité.

Ses compétences techniques et sa culture musicale (étant issu d’une famille de musiciens) l’ont poussé à assouvir sa passion du son en se lançant dans cette aventure, malgré le nombre de concurrents déjà bien installés sur un marché quelque peu moribond. Ernest Kaempfer a choisi pour ses enceintes une configuration en Appolito deux voies pour le modèle K5 et trois voies pour les K7, permettant de garantir une bonne mise en phase ainsi qu’une grande neutralité à ses réalisations. Les enceintes KAD sont également conçues pour fonctionner sur un mode cardioïde dans les basses fréquences (à l’instar des enceintes Kii). Mais c’est surtout l’intégration d’un système complet au sein d’une seule et même paire d’enceintes que le fondateur de KAD a voulu mettre en avant.

En effet, l’offre de KAD audio est basée sur des enceintes actives qui n’ont besoin pour fonctionner que d’un signal numérique et d’un cordon secteur. C’est ainsi que Stefaan Strypsteen, déjà distributeur de Kii Audio, s’est porté volontaire pour étoffer son portefeuille d’enceintes actives fonctionnant en mode cardioïde, et avec DAC intégrés. Ernest Kaempfer a choisi une solution plutôt originale et encore peu usitée pour son offre d’enceintes connectées : la transmission WISA (Wireless Speaker and Audio). La technologie WISA transmet le flux audio numérique sans fil en 24 bits pour des fréquences d’échantillonnage allant jusqu’à 96 kHz. Cette technologie fonctionne dans le spectre de fréquences radio encore relativement peu encombré de 5,2 à 5,8 GHz, pour transmettre de façon fiable un signal non compressé à différentes enceintes réceptrices. Ce mode de transmission est particulièrement bien adapté au Home Cinéma et au multicanal.

En effet, la transmission WISA s’effectue avec une latence extrêmement faible de 5,2 ms et moins de 1 microseconde de synchronisation entre les haut-parleurs, gage d’un raccord excellent entre le son et l’image. C’est pourquoi ce protocole de communication est particulièrement intéressant pour l’industrie du Home Cinéma, car aucun décalage n’est ainsi perçu entre son et image. Il est en revanche plus rare de le voir employé dans une configuration stéréo. WISA étant réputé plus stable que WIFI ou Bluetooth, c’est cette direction qu’a empruntée Ernest, au risque de se trouver limité dans le choix des transports numériques compatibles. Et c’est pourquoi KAD Audio livre généralement avec sa paire d’enceintes un transport numérique de marque Primare compatible WISA.

Autre complication liée au choix de WISA, celle de l’intégration du récepteur. Ce dernier a été développé en interne afin de l’adapter plus finement au reste des composants embarqués dans l’enceinte. Le récepteur est ainsi couplé au DSP qui procède au filtrage numérique et redirige vers deux DACs TI Burr Brown, 32 bits/384 kHz PCM5242, un dédié aux hautes et moyennes fréquences, et l’autre aux basses fréquences des HP avants et arrières.

L’amplification est assurée par quatre modules Hypex NCore® class D distincts, deux pour les graves et deux pour les médiums et les aigus. Cette configuration délivre pas moins de 1500 W par canal avec 1% de THD-N au maximum de sa puissance. Les modules Hypex NCore® sont supposés avoir moins de 0,005 % de distorsion harmonique dans des conditions d’écoute normales. Toutes les enceintes actives KAD sont équipées d’un DSP en charge du filtrage numérique, de l’égalisation, de la correction de phase et de l’alignement temporel de chaque haut-parleur.

En ce qui concerne les transducteurs utilisés par les K7 evo, ils proviennent intégralement de chez SEAS. Le tweeter à dôme « Dark Diamond » de SEAS (T29D002) annonce d’entrée de jeu la couleur : Ernest n’a clairement pas mégoté dans ses choix techniques et l’appareillage des haut-parleurs de la 7 evo est d’une qualité qu’on ne retrouve pas toujours dans cette enveloppe budgétaire. Le T29D002 « Dark Diamond » est un tweeter à dôme en diamant pur de 26 mm de diamètre avec un système d’aimant breveté à base de néodyme. Il fonctionne comme un piston parfait jusqu’à 45 kHz, ce premier mode de fractionnement du dôme maintenant la distorsion très loin de la plage audible. La plaque avant en aluminium avec son amorce de pavillon améliore encore la réponse en fréquence du tweeter. Ce tweeter diamant équipe d’ailleurs uniquement la 7 evo, et le modèle d’entrée de gamme doit se contenter du dôme 25 mm DXT® de la série Prestige.

Les deux haut-parleurs de médium proviennent de la série Excel à l’instar du tweeter diamant, et bénéficient d’une membrane avec revêtement en graphène, ce qui permet d’après leur concepteur d’accentuer le réalisme des voix humaines. Enfin, les quatre woofers à long débattement de 19 cm proviennent de la série Prestige Titan.

Le filtrage est conçu pour un raccord du grave à 160 Hz et 2,4 kHz pour les aigus. La fréquence de coupure des HP à l’arrière diffère sensiblement (200 Hz) pour optimiser la dispersion cardioïde. Les K7 Evo sont donc capables de fonctionner très correctement dans une pièce de vie avec des basses particulièrement bien maîtrisées. Comme j’ai pu l’expérimenter précédemment avec les Kii Three + BXT, les lois de l’acoustique ne sont pas non plus complètement annihilées par le fonctionnement cardioïde de l’enceinte (d’ailleurs limité dans le cas présent à la plage de fréquences comprises entre 80 et 200 Hz). Le retard de groupe inférieur à 1 milliseconde à partir de 250 Hz ainsi qu’une réponse en fréquences très linéaire, tenant dans un intervalle de +- 3 dB entre 24 Hz et 24 kHz permettent d’offrir pour autant des prestations très haut de gamme.

Concernant l’offre spécifique de KAD Audio pour son porte-étendard K07 evo, Ernest m’a fait savoir que le modèle que j’avais en prêt était susceptible d’être proposé à ses clients en version filaire, et notamment en connexion numérique AES3-EBU voire même analogique en liaison symétrique XLR. La K07 evo ne se limite donc pas à son seul statut d’enceinte connectée, et peut être exploitée de différentes façons, ce afin de profiter des fichiers haute résolution, mais surtout pour pouvoir disposer d’un plus vaste choix en matière de lecteurs réseau (l’offre WISA étant somme toute assez marginale). Je n’ai pas obtenu beaucoup plus d’information concernant les agencements internes de l’enceinte mais je suppose qu’une connexion analogique nécessite une conversion A/N pour bénéficier du potentiel du DSP embarqué, sauf à revoir les circuits de façon plus drastique…

impressions d’écoute :

C’est une écoute assez consensuelle que proposent les KAD 7 evo. Ces enceintes sont très civilisées, et même à des niveaux de SPL qui auront poussé depuis longtemps vos voisins de palier à appeler la police, ni les aigus ni le médium ne viendront vous agresser les oreilles. Comme c’est le propre des enceintes actives, la puissance est totalement adaptée aux haut-parleurs, et l’amplification ne sera ainsi jamais prise en défaut. Ce caractère consensuel s’illustre aussi  par une reproduction sonore assez posée, sans être pour autant austère. Mais il n’y a pas le surcroît d’énergie d’une paire de Vivid Audio, ni de Kii Three + BXT, caractéristique qui révolutionne l’écoute ou vient créer un sentiment d’urgence très addictif.

Ce sont des enceintes qui vont se comporter d’excellente façon sur des grands ensembles orchestraux ou vocaux, voire également sur du jazz orchestral ou chanté. Même sur de l’opéra, les voix sont particulièrement bien mises en valeur, et la scène sonore est vraiment bien focalisée. Sur de la musique de chambre, on peut éventuellement espérer un peu plus de transparence, de présence, ce qui permettrait d’apprécier le côté intime de la musique et l’interaction entre les différents musiciens. On peut bien sûr apprécier le résultat offert par les K7 evo dans l’absolu, mais ce petit surcroît de transparence qu’on obtient avec les Vivid Audio G1 Spirit ou les Kii permet parfois de faire naître l’émotion là où on pensait qu’elle était absente… Même chose sur des enregistrements de piano, il faut parfois laisser passer les plus petites micro-informations pour révéler la magie d’un enregistrement.

Est-ce que cela est du au transport numérique, aux DACs embarqués dans les enceintes, à leurs amplificateurs Hypex NCore ? Difficile de tirer des conclusions lorsque tout est intégré et indissociable… Par ailleurs, ma base de comparaison intègre une source audio numérique dont le coût seul représente déjà une bonne partie du prix demandé pour le système complet KAD Audio. Difficile donc de comparer des choses qui ne le sont pas strictement. C’était d’ailleurs déjà le cas avec les enceintes Kii Audio mais on avait encore au moins la possibilité de relier n’importe quelle source en AES/EBU, USB ou Ethernet contrairement à la liaison WISA qui restreint considérablement le choix en matière de transport numérique, sans compter ses limitations en résolution PCM (24 bit / 96 kHz) en sortie de lecteur ou en entrée du récepteur des enceintes. Mais laissons de côté les chipotages audiophiles pour s’intéresser de plus près aux vertus essentielles de ce système KAD Audio.

Comme évoqué plus haut, la grande force de ces enceintes est leur inconditionnelle stabilité. On peut passer la playlist « tout ce que vous n’entendrez jamais dans un salon hi-fi » et elle se déroulera intégralement sans aucune anicroche. « Thieves in the temple » de Prince, interprété par la formation New Standards All Stars, emmenée par Herbie Hancock, Dave Holland, John Scofield, Jack DeJohnette et Michael Brecker, enregistrement live à Montreux de 1997 : la prise de son est ce qu’elle est, assez médiocre, mais elle restitue bien l’ambiance du concert. Je n’avais pas pu assister à celui-ci mais j’avais été juste avant à la Grande Halle de la Villette pour voir une des dernières grandes formations de la grande époque du jazz fusion. L’important sur cet enregistrement, c’est de pouvoir recréer la dynamique, et éviter de rajouter de la distorsion sur une prise de son pas terrible. La force de ces gars était de jouer vite et en alternant sans cesse le rythme. C’était l’école de Miles Davis. Quand ces prérequis sont respectés, vous pouvez avoir l’impression de revivre l’événement.

En l’occurrence, Les K7 evo sont au rendez-vous et font le job sans broncher. Faisons pire, avec un album encore plus méconnu : « Crossroads » d’Eric Marienthal, le saxophoniste du Chick Corea Electrik Band. Cette fois, c’est plutôt bien enregistré (même si un peu trop produit, à l’instar des albums studio du label GRP Records) et c’est dans l’ensemble plus acoustique qu’électrique (même si pas complètement). Mais ça joue à un niveau de virtuosité complètement dingue. Les autres protagonistes sont les partenaires de l’Acoustik Band (Corea, Patittucci, Weckle). Dave Weckle développe ici une rythmique de malade. Et les autres suivent, je n’ai jamais compris comment. Il y a du y avoir beaucoup de prises pour arriver à ce résultat… Là encore, les KAD K7 evo envoient du lourd sur « Cross Country ». L’écueil est que le sax alto de Marienthal finisse par vous saturer les oreilles. Il faut reproduire aussi les impacts de caisse claire ainsi que les  toms  de  Dave  Weckle, et que ce soit réaliste.

On sent bien l’effet des 1500 W d’amplification par enceinte. Les enceintes d’Ernest Kaempfer sont imperturbables et préservent une grande qualité d’écoute. L’album de Dee Dee Bridgewater de 1977 (son troisième album), avec Stanley Clarke comme arrangeur et bassiste, reprend « Sorry seems to be the hardest word » d’Elton John. Si l’album n’a pas connu un immense succès à sa sortie, et que la production est techniquement assez médiocre, la version du tube de John / Maupin reste sans doute la reprise la plus folle qu’on ait pu en faire à ce jour. Stanley Clarke ne faisait pas à l’époque dans la demi-mesure. La basse de Stanley Clarke est bien articulée sur les K7 evo, et les impacts vous prennent directement aux tripes. La guitare électrique est souvent assez fatigante sur bon nombre d’enceintes, mais elle est tout à fait supportable sur les K7 evo. Mais ces K7 evo sont tout autant capables de subtilité. Il faut pour cela bien être attentif à ce qu’on fait avec le transport numérique, et notamment l’entrée du Primare SC15.

En effet, l’entrée USB du SC15 ne s’est pas avérée exceptionnelle et limitée en termes d’acceptation des fichiers haute résolution. Quel que soit le câble USB choisi, j’ai constaté tout au long de mes écoutes sur cette entrée de petites duretés qui rendent l’écoute fatigante à la longue. Pourtant, les caractéristiques de l’entrée USB type B du Primare sont annoncées comme acceptant des résolutions allant jusqu’au DSD 256 et au PCM 32 bit 768 kHz. Peut-être y a t’il eu un problème de compatibilité avec Minimserver car la résolution maximale acceptée sur cette entrée a été le PCM 24 bit 96 kHz…

En revanche, l’entrée Ethernet couplée à Roon s’est avérée bien meilleure, et ne m’a pas posé de problèmes de fonctionnement. C’est vraiment une bien meilleure option puisqu’elle permet d’exploiter tous les fichiers DSD et PCM haute définition de ma bibliothèque musicale dématérialisée. L’entrée SPDIF du lecteur Primare, bien que limitée en résolution, s’est avérée également plutôt satisfaisante. Il faut donc vraiment travailler l’amont numérique avec les K7 evo, en veillant à ce qu’il ne vienne pas pénaliser ces enceintes qui laissent en effet tout passer, ne faisant donc pas de cadeau si la source ne suit pas… Le simple fait que les K7 evo réagissent très nettement à ces variations de manipulation du lecteur Primare démontrent à quel point elles peuvent être transparentes.

Conclusion :

KAD Audio élève sérieusement le niveau de qualité qu’on pouvait jusqu’à présent attendre d’une paire d’enceintes connectées. Le budget n’est clairement pas le même que celui de produits plus grand public, mais on est quand même bien au delà de ce que pourra jamais restituer une paire de Devialet Phantom en termes de réalisme et de fidélité à l’enregistrement.

Le très faible niveau de distorsion des K7 evo leur permet de se confronter à des systèmes passifs multi-composants de même gamme de prix, voire plus onéreux, sans céder sur le terrain de la qualité sonore. Je pense néanmoins que le meilleur de ces enceintes reste conditionné à l’exploitation d’une source haut de gamme, et que le lecteur Primare fourni en standard est loin de pouvoir rivaliser avec un lecteur Grimm MU1 en liaison AES-EBU.

Je considère n’avoir donc pas pu pleinement apprécier le potentiel de ces enceintes, et que si dans mes souvenirs, les Kii Three + BXT vont plus loin dans leur aptitude à s’affranchir de leur environnement acoustique et à exploiter les formats haute résolution, il aurait été intéressant de pouvoir les comparer aux K7 evo avec la même source numérique. Mais si j’arrête de faire la fine oreille, je dois bien reconnaître que ce que les K7 evo délivrent déjà en liaison WISA est juste excellent pour le prix. Il faut seulement avoir conscience qu’on peut aller encore plus loin en choisissant la meilleure source possible. Et les K7 evo, de toute évidence, le valent bien !

JC

Prix : Système complet enceintes + lecteur : 32.500 € TTC.

Website : https://www.kadaudio.com

Distributeur : https://www.musikii.com

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