Un switch de plus à tester : cette fois-ci, il provient de Chine et regroupe dans le même appareil les fonctions de répartiteur réseau et d’horloge maîtresse OCXO.
Après avoir pu essayer l’horloge OCK-2 de LHY Audio, j’étais curieux de découvrir le potentiel du switch maison. Et puis l’idée de pouvoir utiliser un seul et même appareil pour les fonctions d’horloge externe et de répartition réseau était plutôt attractive. L’horloge OCXO de LHY Audio m’avait déjà particulièrement impressionné par son rapport qualité prix exceptionnel. Qu’en était-il alors du SW-10 qui faisait payer ses qualités d’intégration en doublant la note ?
La marque LHY est un acronyme ou une abréviation dérivant du chinois, et qui signifie « Poisson Tigre ». Difficile d’établir un rapport direct entre ce monstre carnassier sillonnant les fleuves africains et le monde de l’audio numérique, mais les analogies asiatiques sont parfois curieuses et particulièrement hermétiques… On ne se focalisera donc pas sur la symbolique du nom de l’entreprise. LHY n’a d’ailleurs sans doute pas de Raison d’Etre ou de feuille de route RSE.
LHY est une filiale de Jay’s Audio, le fabricant de transports numériques, lecteur CD et convertisseurs N/A. Peu de littérature est disponible à propos de ce groupe et son essor reste somme toute assez récent en Europe (et quand bien même son fondateur Jay Ho est actif dans le milieu de la hifi depuis de nombreuses années). LHY est l’entité spécialisée dans les accessoires : son catalogue compte aujourd’hui les horloges externes OCK-1 et OCK-2, les switchs SW-8 et SW-10, l’interface USB / Bluetooth et I2S UBT-1, l’alimentation linéaire LPS160VA destinée aux ordinateurs et serveurs audio, et enfin l’alimentation sur batterie BATT-1 pour les accessoires fonctionnant sur des chargeurs de smartphone.
Mais concentrons-nous sur le switch SW-10, objet de ce banc d’essai. C’est sans doute le plus bel objet de cette catégorie que j’ai pu avoir entre les mains, à égalité peut-être avec le Waversa SmartHub. Il est vrai que ce boîtier en aluminium anodisé usiné dans la masse de couleur vert d’eau est assez inhabituel au sein du marché des appareils de haute fidélité, et confère à l’objet une certaine élégance, aux antipodes des switchs informatiques tweakés par certains vendeurs d’accessoires audio. Il est clair que la livrée seule ne peut néanmoins justifier le prix affiché de 1.549$ TTC.
Mais rassurez vous, ce qu’il y a sous le capot de l’appareil justifie amplement le tarif demandé. En effet, l’agencement des circuits à l’intérieur du châssis est aussi soigné que la présentation extérieure. Le boîtier est compartimenté en trois zones : une pour l’alimentation en courant alternatif, une pour la partie courant continu et la dernière pour les circuits de traitement du signal. Pour la partie amont, l’alimentation dispose d’un filtrage EMI et de deux transformateurs encapsulés Talema de 15VA. La partie aval (DC) bénéficie d’une régulation et d’un redressement plutôt qualitatif pour ce type de produit.
Le circuit du switch Gigabit provient de la gamme professionnelle de Cisco (CBS220-8T-E-2). Il offre 8 ports Ethernet ainsi que deux ports SFP pour un raccordement en fibre optique. Le SW-10 dispose d’une entrée horloge maître et d’une sortie horloge, toutes deux en 50 Ohms. La sortie permet de synchroniser une source externe avec l’horloge interne du switch SW-10 ou bien de resynchroniser le signal en entrée vers l’entrée d’un autre appareil. L’entrée BNC est réglable aussi bien en mode sinusoïdal que carré via un sélecteur interne, tandis que la sortie renvoie en standard un signal carré 50 Ohms. L’horloge OCXO 10 MHz utilisée dans le SW-10 est celle de l’OCK-2 associée à une boucle PLL à très faible bruit.
Difficile de faire plus abouti que ce switch proposé par LHY Audio pour une utilisation audiophile. La gestion de l’alimentation multi-étages, par ailleurs séparée pour la partie horloge et la partie switch, est un modèle du genre. Les deux ports SFP sont sans doute d’un intérêt limité pour qui n’est pas équipé d’un routeur optique ou pour qui ne dispose pas d’un lecteur ayant une entrée optique. Il reste bien évidemment la solution de passer par un FMC (Fibre Media Converter) qui permet de créer une isolation entre le switch et le routeur par exemple. Mais une autre solution, plus drastique, consiste à relier deux SW-10 via leur port SFP et de créer une isolation totale entre les appareils informatiques réputés bruyants (connectés au premier switch) et les lecteurs audio (connectés au second switch). Je n’ai pas testé cette solution, n’ayant eu à disposition qu’un seul exemplaire, mais cela illustre bien le grand potentiel de ce LHY SW-10.
On peut toutefois mettre en œuvre l’isolation par port SFP en utilisant un second switch informatique plus basique et dédié aux appareils « bruyants », en le reliant par l’intermédiaire d’un FMC.
LHY ne dispose pas de mesures ou de certificats individuels pour ses appareils. Selon le fabricant, les ressources nécessaires, y compris le coût d’un analyseur de bruit de phase et l’implication d’ingénieurs hautement qualifiés, auraient un impact significatif sur le prix de commercialisation compétitif du SW-10. Le constructeur déclare néanmoins qu’au cours de sa phase de développement, le SW-10 a été méticuleusement testé et confronté à plusieurs reprises par rapport à des horloges maîtresses concurrentes dont le bruit de phase est annoncé entre -105 dBc/Hz et -118 dBc/Hz. De l’avis des ingénieurs de LHY Audio, le SW-10 se démarque de ces concurrents lors des tests d’écoute.
Le distributeur singapourien des produits LHY (Beatechnik Pte Ltd) relativise d’ailleurs l’importance des spécifications, qui si elles fournissent une indication objective des performances de l’équipement, ne viennent pas toujours garantir les meilleurs résultats d’écoute. J’ai tendance personnellement à croire que c’est surtout la diversité des paramètres techniques qui font qu’une seule mesure de bruit de phase peut s’avérer nettement insuffisante pour caractériser la performance d’une horloge externe. L’horloge Genesis GX de Silent Angel, testée dans notre précédent numéro, en est une parfaite illustration. Ainsi, le travail de conception de LHY Audio a été fait à l’ancienne, s’assurant à l’écoute que le choix des composants correspondait à une réelle avancée par rapport à d’autres produits concurrents. Dont acte.
Impressions d’écoute :
Il n’est pas facile de mettre en concurrence un simple switch avec mon ensemble de trois switchs (Aqvox SE + double Silent Angel Bonn N16). Les cascades de switchs, si elles semblent relever du pur bricolage audiophile, ont fait un certain nombre d’émules et je retire énormément de satisfaction de ce système de référence.
Sorti du carton, le LHY SW-10 n’a pas révolutionné mon système audio-numérique. Il fait partie des très bons accessoires, un peu à l’instar du Waversa SmartHub, avec beaucoup de définition et de clarté, mais sans cette musicalité et cette saturation de timbres qui caractérise mon ensemble Aqvox / Silent Angel. Cela n’est pas vraiment une surprise puisque cette combinaison a tenu tête pour l’instant à tous les autres concurrents que j’ai pu lui opposer. Ce premier constat est fait en utilisant le SW-10 dans sa fonctionnalité de répartiteur réseau basique, sans utiliser l’entrée ou la sortie horloge, et en utilisant l’horloge interne de mes lecteurs Esoteric.
Mes impressions d’écoute ont varié sensiblement lorsque j’ai mis en œuvre l’horloge maîtresse du SW-10.En reliant mon lecteur réseau N-05XD à la sortie master clock du switch LHY, on note une belle avancée en termes de clarté, d’ampleur de la scène sonore, et de micro-dynamique. Je n’obtiens pas encore le niveau de saturation des timbres de ma cascade de switchs personnelle mais le gain par rapport à l’horloge interne du N-05XD ou du K-03 est tellement net qu’on n’a pas envie de revenir vers cet équilibre plus sombre et moins défini procuré par l’horloge interne de mes lecteurs et des switchs Aqvox SE et Bonn N16 (pour le cas bien précis du N-05XD).
L’apport de l’horloge du SW-10 est net en termes de relief de la scène sonore qui semblait presque écrasée avec l’horloge interne des deux lecteurs. Sur le concerto pour piano et instruments à vent de Stravinsky (Bavouzet / Orchestre Symphonique de Sao Paulo), la qualité de timbres progresse également de façon évidente. La taille de l’image stéréo est aussi plus grande avec l’horloge du SW-10.
Lorsque j’ai par la suite connecté l’entrée BNC du switch LHY à l’horloge Cybershaft OP21 A-D, testée dans ce même numéro, la qualité a cette fois-ci fait un bond spectaculaire. J’ai retrouvé toute la densité tonale qui me séduisait tant dans mon association de switchs Aqvox SE / Bonn N16, tout en allant plus loin au niveau des détails, de la finesse générale et de la dynamique. De mémoire, même l’onéreux switch Silent Angel NX ne permettait pas d’atteindre ce niveau qualitatif associé à l’horloge Genesis GX maison.
En reliant directement le lecteur N-05XD à l’horloge Cybershaft, tout en laissant l’entrée BNC du même switch connectée à l’OP21A-D, la différence m’a semblé quasi imperceptible. Il y a peut-être un peu moins de niveau sur la sortie de l’OP21A-D en comparaison du SW-10, ainsi qu’une plus grande douceur. Mais nous sommes là dans des écarts très faibles, sans commune mesure avec les comparaisons précédentes. J’en déduis que le SW-10 peut permettre via son by-pass de profiter de la synchronisation d’une horloge plus prestigieuse que son unité interne, et de doubler la sortie de cette horloge externe sans nuire à la qualité sonore ! Plutôt utile lorsqu’on dispose déjà d’une horloge haut de gamme ne disposant que d’une seule sortie ! Même constat avec la chanteuse Norma Winstone sur son album « Stories Yet To Tell » : le switch LHY Audio livre un résultat très propre et détaillé. Les harmoniques du piano, la fragilité de la voix ressortent très nettement. La clarinette basse de klaus Gesing est superbement articulée. En connectant l’horloge Cybershaft au SW-10, on entre néanmoins dans une autre dimension. Tout devient plus charnel, plus organique. On a moins la sensation de vide entre les différents artistes, mais il y a au contraire une espèce de continuité naturelle comme si une bulle holographique se créait au delà du cadre des enceintes. Les timbres sont plus saturés, tout semble moins artificiel et l’apport de l’horloge haut de gamme de Cybershaft est pour ainsi dire décuplé.
Le fait de synchroniser le switch avec le lecteur réseau semble réduire encore plus sensiblement la gigue qu’en traitant uniquement le seul streamer. Je n’étais pas pleinement convaincu de la valeur ajoutée que pouvait apporter le simple fait de synchroniser le switch avec l’horloge maîtresse connectée au lecteur réseau. J’en avais bien perçu la contribution avec l’ensemble Silent Angel Bonn NX / Genesis GX, mais le coût m’avais semblé quand même élevé pour le gain obtenu.
Dans le cas présent, le switch SW-10 déplace très sérieusement le curseur du rapport qualité – prix dans une zone ultra compétitive…
J’ai pu également tester l’intérêt que peuvent représenter les deux ports SFP, en intercalant un FMC tp-link MC210CS entre l’arrivée de mon routeur et le SW-10, ainsi qu’entre mon NAS et le SW-10. Je précise d’entrée de jeu que la qualité de mon installation électrique et des alimentations linéaires dédiées à mes appareils informatiques limitent généralement l’intérêt de recourir à ce type de traitement. Cela n’est pas forcément le cas de la majorité, et je tiens donc à souligner que ces constatations sont relatives à mon système personnel. Comme anticipé, les résultats n’ont pas été particulièrement positifs, et l’impact du FMC dans chacun des cas de figure s’est soldé par une légère perte de dynamique et de focalisation. Ainsi, la batterie de la formation de Diana Reeves (album Live au New Morning) m’a semblé plus nette en utilisant les ports Ehernet RJ45 classiques qu’en utilisant les ports fibre optique. La voix de la chanteuse m’est apparue aussi plus présente, plus claire et moins lointaine en se passant des ports SFP.
Conclusion :
L’intérêt du switch SW-10 réside indéniablement dans la complémentarité de son module d’horloge maîtresse avec ses fonctions traditionnelles de commutateur réseau. A ce niveau de prix, il est assez inhabituel d’avoir entre les mains un produit aussi abouti et bien fini.
J’ajouterais par ailleurs que le haut de gamme de LHY Audio en matière de répartiteur réseau peut être envisagé sous deux angles distincts :
– Premièrement comme horloge maîtresse totalement autonome et switch réseau. Il donne ainsi d’excellents résultats en synchronisant votre lecteur réseau avec l’horloge interne du switch, tout en pouvant aussi être raccordé à un lecteur CD pour une utilisation indépendante de sa fonction master clock. Pour moi, c’est un rapport qualité prix, pour un switch équipé d’une horloge maîtresse OCXO, assez incroyable.
– Mais le SW-10 peut-être également envisagé pour son entrée world clock permettant ainsi de synchroniser un switch particulièrement bien conçu avec une horloge externe très haut de gamme. Dans cette configuration, l’impact de l’horloge maîtresse externe sur la performance globale du système audio numérique est d’autant plus grand. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à acquérir mon modèle de prêt. Comme il est impossible de tout tester, il m’est difficile de dire si un autre switch avec entrée world clock pourrait faire aussi bien, voire mieux. Je n’ai en l’occurence pas eu l’opportunité de tester l’horloge Cybershaft avec le switch Bonn NX.
Reste qu’au regard de sa prestation globale, de sa versatilité, et du prix demandé, le LHY SW-10 est une sacrée affaire, et mérite amplement un Grand Frisson 2023.
JC
Prix (dollars US) : SW-10 : 1.549 $ TTC
Website : https://www.beatechnik.com
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