Víkingur Ólafsson aurait pu être un personnage de série Netflix, mais cet islandais, bien ancré dans la vie réelle, a choisi le piano pour exprimer la puissance du dieu Odin. Trêve de plaisanterie, cet artiste de 36 ans a mis sa sensibilité et sa virtuosité au service d’une autre divinité allemande, la maison Deutsche Grammophon. C’est ainsi là son troisième opus, après avoir marqué les esprits avec un disque dédié aux Etudes de Philip Glass et un autre à Johann Sebastian Bach.
Pour ce troisième disque DG, l’Islandais relève la barre de plusieurs crans avec une tentative de mettre sur orbite deux compositeurs distants de presque deux siècles, Jean-Philippe Rameau et Claude Debussy.
On ressent une certaine évidence ainsi qu’une grande facilité à l’écoute de cet album, preuve de l’intelligence de ce jeune pianiste. Car il a sans doute fallu passer et repasser sur l’ouvrage, ou le répertoire, pour trouver la clé qui permet de combiner ou juxtaposer ces deux mondes. Ce travail n’est clairement pas à la portée du commun des mortels ni de bon nombre de pianistes contemporains.
Certains trouveront cette sonorité nordique un peu fade ou trop froide. Il y a clairement de meilleurs passeurs d’émotion chez Rameau ou chez Debussy. On pourrait presque passer à côté s’il n’y avait pas cette perspective impressionniste remarquable.
Car c’est bien comme si on se perdait dans une juxtaposition de nymphéas pour faire un parallèle peu original avec la peinture. La globalité et la perspective que nous dessine Ólafsson est tout simplement géniale.
Le jeu de l’islandais impressionne par sa clarté et son élégance. Ça manque peut-être parfois de grain mais on est porté par ce discours qui avance sans cesse entre contrastes et similitudes. Il m’a également scotché par la qualité de son articulation éblouissante.
Il manque peut-être d’un peu d’épanchement, pas grand chose, mais je ne saurais dire si cela ne tient pas à la prise de son, pourtant de très bon niveau, ou au fait qu’on pourrait attendre un léger surcroît émotionnel de la part d’une Béatrice Rana par exemple.
Cela n’en fait pas pour autant une performance sans vie. Ólafsson insuffle du rythme, joue avec les oppositions dynamiques, distille une fantaisie créative dans Rameau et une infinie douceur sur Debussy.
La transition entre « l’Entretien des Muses » de Rameau et « Les pas dans la neige » de Debussy relève à mon avis de la pure poésie.
Et que dire du niveau incroyable de sensibilité dans le jeu du pianiste sur « Ondine ».
Difficile de croire qu’on puisse arriver à un tel degré de maturité si jeune (Ólafsson n’est certes pas non plus un jouvenceau). Car chaque fois que j’écoute cet album, je me plais à découvrir de nouvelles analogies, d’autres passerelles unissant ces deux compositeurs dans une logique quasi systémique et impressionniste. Il est presque impossible de synthétiser dans une critique, si longue soit-elle, la variété des trésors que cet album recèle. C’est incontestablement un des grands pianistes d’aujourd’hui !
- Titre: Debussy – Rameau.
- Artiste: Víkingur Ólafsson.
- Format: PCM 24 bit, 192 kHz
- Ingénieur du son : Christopher Tarnow.
- Editeur/Label: Deutsche Grammophon.
- Année: 2020
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD : Réel.
Merci pour cet article qui donne envie de plonger dans l’album et de mieux appréhender l’artiste.