C’est un titre bien choisi, un récital du jeune pianiste Tristan Pfaff placé indubitablement sous le signe de la virtuosité et du spectacle.
C’est presque d’ailleurs un numéro de funambule, où le but n’est pas tant d’émouvoir que d’émerveiller et de nous inviter à de folles danses.
Pour ce programme à haut risque, le voltigeur a choisi sa monture : un Opus 102, clavier comportant 102 notes au lieu des 88 standards ! Ce piano est l’œuvre de Stephen Paulello, un pianiste ingénieur installé à Villethierry, dans l’Yonne.
Les doigts qui se posent sur ce clavier ont un peu plus d’une octave supplémentaire à se disputer : cinq touches dans les aigus et huit dans les basses. A cette tessiture élargie s’ajoute d’autres particularités : des cordes parallèles obliques, un cadre sans barre de renfort et une table d’harmonie sans raidisseurs…
Alors en piste !
C’est une sonorité particulièrement claire et expressive qui ressort de ce programme.
La fameuse Danse du Sabre de Katchaturian, adaptée du ballet Gayaneh par Cziffra, ouvre le bal. C’est une danse profondément rageuse, martelée, expressément dynamique. On ne retrouve pas l’élégante fluidité d’un Cyprien Katsaris mais l’effet hypnotique, plus lent, avec des accélérations foudroyantes, met d’emblée en condition : bienvenue au spectacle !
L’étude d’exécution transcendante « Lezghinka » de Sergueï Liapounov op. 11 n° 10 est en fait une tarentelle écrite à la mémoire de Franz Liszt. Le rythme s’accélère progressivement et la virtuosité de l’interprète pour maîtriser la partition et cet impressionnant Opus 102 est manifeste !
L’Andante Maestoso, extrait du ballet Casse-Noisette (Danse du Prince et de la fée Dragée) de Tchaikovsky et transcrit au piano par Mikhaïl Pletnev nous plonge dans un torrent de romantisme et nous permet de nous remettre de cette étude infernale. Si la version de Pfaff est moins chantante que l’original (l’enregistrement pour le label russe Melodiya de Pletnev en 1978), peut-être plus linéaire également (je préfère lorsque l’Andante démarre plus lentement), Tristan Pfaff nous offre un véritable feu d’artifice sur le final de l’Andante. Cette prestation n’est pas sans me rappeler celle d’Anna Malikova pour le label Farao en 2010. Pfaff ajoute une dose de couleurs supplémentaire, sans doute l’instrument n’y est-il pas étranger…
La Polka italienne de Rachmaninov transcrite par Vyacheslav Gryaznov n’est pas non plus sans rappeler les danses lentes de balalaïkas. Mais elle démontre aussi à quel point l’interprète ici maîtrise son art et notamment ce sens de la fluidité extrême si cher à Rachmaninov.
La Danse macabre de Saint-Saëns, arrangée par Franz Liszt, puis réarrangée par Horowitz offre un espace de jeu de choix pour le jeune pianiste. L’interprétation de Pfaff n’est pas aussi sautillante que celle du maestro Vladimir mais elle fait état d’une grande clarté. Et oui, contrairement à de nombreuses versions récentes un peu timorées, l’insolente aisance de Tristan Pfaff imprime un vrai rythme macabre, infernal, et nous distille en même temps un océan de nuances et de tonalités variées.
La valse russe de Jean Matitia, la Paraphrase de concert sur La mort de Thaïs, la Valse triste de Von Vecsey (arrangement de Cziffra), nous emmènent droit vers la Valse de Méphisto de Liszt, suivie du Printemps de Komitas.
La Valse de Mephisto dès le début sonne un peu plus rocailleuse que les interprétations sur un clavier conventionnel. Le respect du tempo est particulièrement juste, on ne se laisse clairement pas emporter comme pourrait le faire la madone Buniatishvili.
On retrouve cette constante clarté, qui donne presque l’impression parfois d’entendre une version à deux pianos. Impressions renforcée sans doute par un jeu de pédales assez peu prononcé. Les chevaux sont lâchés, mais Pfaff garde un contrôle constant de son jeu et de la partition.
Ce programme s’achève avec la transposition pour piano de Robert Adriasyan du Printemps du Père Komitas, forme d’apaisement final.
L’excellente prise de son, sans excès de réverbération, offre une belle lisibilité, absolument nécessaire pour que ce récital puisse livrer toute sa puissance complexe.
Un excellent disque.
- Titre: Voltiges
- Artiste: Tristan Pfaff.
- Format: PCM 16 bit, 44,1 kHz
- Ingénieurs du son: Jean-Yves Labat de Rossi.
- Editeur/Label: Ad Vitam Records.
- Année: 2021
- Genre: Classique.
- Intérêt du format HD (Exceptionnel, Réel, Discutable): format CD uniquement.
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