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Éditorial Octobre 2021

Désinformation

On en parle souvent, on s’en plaint beaucoup mais a-t-on vraiment cerné ce qu’était en fait la désinformation et sur quels mécanismes elle reposait ?
Histoire de gagner en clarté et d’éviter le hors sujet, posons-nous d’abord la question de savoir si une information doit être forcément juste ou exacte.

Personnellement, je ne crois pas. Un calcul peut être juste, mais une information est un élément porté à notre connaissance. Le Larousse donne cette définition qui me semble assez large et exhaustive : Tout événement, tout fait, tout jugement porté à la connaissance d’un public plus ou moins large, sous forme d’images, de textes, de discours, de sons.

Partant de cette définition, rien n’indique qu’une information doit être juste, exacte. Elle peut très bien être imprécise, vague, subjective, ou incorrecte…
La désinformation, quant à elle, consiste à donner une information afin d’induire en erreur celui qui la reçoit. Une définition trouvée sur la toile m’a semblé assez exhaustive :

La désinformation est un processus, utilisable à tous les niveaux dans toutes les sphères de la communication, et qui consiste à présenter :
* une information fausse comme vraie,
* une partie d’information vraie comme une totalité indépendante et vraie pour elle-même,
* une partie d’information fausse comme une totalité indépendante et vraie pour elle-même,
* une information vraie comme fausse.

La seconde proposition est en fait très représentative des maux dont souffre notre société : prétendre qu’une partie d’information soit généralisable à la totalité d’une problématique forcément plus large et complexe.

En ligne de mire, vous allez trouver les forums audiophiles et leur lot de désinformateurs fidèles. Et pourtant, la majorité des désinformateurs sont sincères ou pensent l’être : comme dit l’adage, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
D’autres sont souvent désœuvrés et ne trouvent rien de mieux à faire que partir en croisade contre un groupe de leurs congénères. On a même réussi l’exploit dans certains cercles virtuels de catégoriser les amateurs de haute fidélité : il y aurait les « audiophiles » (ce terme n’est-il pourtant pas celui qui désigne l’ensemble des personnes qui s’intéressent à la qualité des moyens de reproduction sonore ?), les « objectivistes », les « mélomanes », les « subjectivistes », les « hifistes »… il manque à mon avis les objecteurs de conscience, ceux qui refusent de toucher à une platine vinyle par idéologie…

Quelle vaste blague et quelle perte de temps…

On échafaude donc des théories, ou on manipule des concepts du niveau de la cour d’école élémentaire, avec la conviction (sincère ?) d’aller défendre la vérité. Que de détenteurs de la vérité dans cette comédie humaine, d’ailleurs souvent peu respectueuse des règles grammaticales et syntaxiques.

Vous comprendrez aussi que les fondements de la désinformation reposent avant tout sur la paresse et le maigre bagage des communicants :
– La paresse, car le gros de l’information distillée ici et ailleurs relève plus de la logorrhée que de raisonnements mûrement réfléchis. C’est fatiguant il est vrai de se poser des questions et d’essayer de comprendre plutôt que de manier des idées préconçues, ou des théories de comptoir, la génération du smiley veut sans doute ça…
– Le maigre bagage, car l’accès aux médias n’est plus réservée aujourd’hui aux seuls professionnels de l’information mais à quiconque souhaite s’exprimer.

Mais la désinformation, c’est aussi vouloir occuper l’espace en permanence, toucher le plus de monde et avoir le maximum de followers ou d’abonnés. La désinformation c’est penser que sa vie personnelle et privée est tellement formidable que des millions de personnes vont s’y intéresser. Noyer l’essentiel dans un flux permanent de lieux communs et de platitudes, voilà comment on arrive à savoir quasiment tout sur rien et inversement. Et à ce que madame Michu avec son compte Instagram devienne une star reconnue sans avoir jamais fait preuve du moindre talent.

Le but d’Audiophile Magazine est de rester sur une idée simple et accessible : celle d’une information laborieusement construite et ne prétendant pas à une quelconque universalité ou forme de vérité.

C’est un témoignage d’une expérience d’écoute, en essayant d’être le plus concis possible, ni plus ni moins. Pas d’autre ambition ici que de distiller une information que certains de nos lecteurs jugeront parfois partiale, inutile, voire pathétique.
C’est le prix à payer pour garder le cap, celui du travail d’investigation, d’analyse sensorielle, de description exhaustive, et de qualité rédactionnelle.

Car c’est tout autant le plaisir de mettre en forme un texte, un plaisir somme toute assez artisanal car nous avons l’ambition de conserver en numérique une qualité « papier », que celui de découvrir de nouveaux produits, de nouveaux artistes et d’en livrer un témoignage subjectif mais sincère.
Et être sincère, en ce qui nous concerne, consiste à passer du temps à écouter un disque, tester un matériel, afin d’être sûr de n’être pas passé à côté de quelque chose d’important, et clairement pas à s’épancher sur ses états d’âme.

Il y a suffisamment d’instagrameurs, d’influenceurs, ou de forumeurs dépressifs pour cela. Nous leur confions cette dernière tâche bien volontiers.

Sur ce rappel de nos intentions éditoriales, je vous souhaite une bonne lecture à tous,

Joël Chevassus

1 réflexion au sujet de « Éditorial Octobre 2021 »

  1. Je reconnais mon itinéraire dans votre éditorial.
    Découverte des Forums.Lassitude de ceux-ci par l’esprit de chapelle, intolérance, obscurantisme qui y règne bien souvent.
    Finalement le peu d’intérêt des gens pour des comptes-rendus non dithyrambiques et non clivant.
    Souvent je pense à étoffer une page Face-Book pour transmettre les quelques connaissances durement acquises,
    au prix d’erreurs et de tâtonnements.
    Mais bon…
    Vos informations sont précieuses.Gardez le Cap.
    Les amoureux de la Haute fidélité au service de la musique vous suivent!

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