Première fois en ce qui me concerne que je me rends en Pologne. L’occasion m’en a été donnée par l’organisateur du salon, Adam Mokrzycki qui n’a pas hésité à convier la presse internationale pour prendre date et attester de l’importance croissante de cette manifestation, actuellement le deuxième plus gros événement en Europe pour l’industrie de la haute fidélité, après le Munich High-End.
Contrairement à l’exposition munichoise, le salon est organisé dans un hôtel, le Radisson Blu Sobieski, au cœur de Varsovie, et permettant ainsi de loger sur place les visiteurs étrangers et les exposants. Plutôt pratique, lorsqu’on souhaite éviter de se lever trop tôt le matin !
Bien arrivé sur place, ce n’est pas exactement ça puisque le Radisson Blu Sobieski, berceau historique du salon de Varsovie, n’est finalement pas le seul à héberger la manifestation du Warsaw Audio Show. Et pourtant, le Radisson Blu accueille bon nombre d’exposants sur pas moins de 7 étages (8 niveaux en comptant le rez-de-chaussée). Mais comme ce sont pour la grande majorité des chambres standard, un peu à l’instar de ce qu’on trouve à Munich au Marriott, ou au CES de Las Vegas, certains exposants se sont réfugiés au Golden Tulipe, d’ailleurs à deux pas du Radisson, où les salles sont peu nombreuses (moins d’une dizaine en tout) mais spacieuses et donc adaptées pour de grandes démonstrations.
Mais il faut aussi compter sur le stade de football de Varsovie, le fameux PGE Narodowy, qui abrite sur deux niveaux une pléiade d’exposants, marques pour la plupart établies au rayonnement international, plus l’espace réservé aux casques. Il se situe en revanche à plus de cinq kilomètres de distance du Radisson et du Golden Tulipe.
Donc en résumé, trois établissements à Varsovie accueillent l’Audio Show : le Radisson qui favorise les constructeurs locaux et ceux modestes n’ayant pas le budget pour décrocher une location de salle dans les deux autres sites, le Golden Tulipe pour les habituels happy few qui bénéficient de grandes salles sans s’éloigner trop du Radisson, et le Stade National qui représente la partie moderne de cet événement très populaire en Europe centrale et Europe de l’Est.
Et comme ce sont trois ambiances différentes, je pense qu’il faut décemment prévoir de visiter les trois si on veut se faire une bonne idée de ce qu’est cette manifestation.
Autre particularité de ce salon, c’est qu’il ne réserve pas de journée spécifique pour la presse et les professionnels sur les trois jours que dure le salon (de vendredi à dimanche). C’est donc un exercice compliqué que de photographier les différents stands tant le nombre de visiteurs est important.
Et, oui, c’est aussi un trait de ce salon de Varsovie : son impressionnante popularité. Les polonais affluent en masse, et parfois en famille, avec mari, femme et enfants. Qu’est-ce qu’ils sont sages d’ailleurs ces gosses, j’ai du mal à imaginer ce que cela donnerait chez nous…
Il y a donc un intérêt fort du public pour la haute fidélité et l’audio plus généralement. Pourtant la grande majorité des visiteurs semble plutôt modeste. Ce n’est donc pas forcément un marché très important (c’est ce que m’a dit du moins Lukasz Fikus de Lampizator) mais la constituante fondamentale est bien présente néanmoins : l’attrait pour le matériel de reproduction musicale.
C’est d’ailleurs sans doute ce qui explique qu’il n’y a pratiquement pas d’exposition de matériel en statique, mais essentiellement des démonstrations. Le public répond présent mais attend du spectacle ! Alors en piste !
Il y a diverses dimensions dans ce salon, une très locale avec des acteurs nationaux et des pays voisins, et une autre plus marketing, le salon prétendant toucher tout le public d’Europe de l’Est et d’Europe Centrale. C’est pour cela que l’ensemble des grandes marques et des constructeurs de prestige répondent également présent.
Il est temps maintenant d’arrêter les considérations journalistiques, et partons à présent sur le reportage de terrain.
1 – Radisson Blu Sobieski.
Un petit parfum local donc en arrivant au Radisson, avec d’emblée un des principaux représentants de la haute fidélité polonaise : la société Pylon Audio.
Pylon, que nous connaissons bien, est associée pour ce salon aux électroniques à tubes Fezz. Pylon démontrait principalement son moniteur au look vintage Jade 20, un woofer associé à une compression BMS, avec un son à l’avenant, plutôt mat mais bien timbré et dynamique. Les électroniques Fezz sont d’un classicisme à toute épreuve, mais respirent la qualité de fabrication, et s’avèrent plutôt polyvalente. Un belle découverte.
8MM Audiolab présentait son modèle Piu. Ces enceintes lituaniennes sont élégantes, bénéficiant d’une très belle ébénisterie en chêne, et d’une architecture 3 voies compacte et efficace (woofer émettant vers le sol et guide d’onde vertical pour les aigus). Une très jolie réalisation et un son très ouvert et défini. Les enceintes étaient associées aux électroniques Rada, fabriquées également en Lituanie. Une très belle écoute.
Popori Acoustics est un fabricant hongrois de panneaux électrostatiques. Une écoute très définie et avec une belle assisse dans le grave. La qualité des produits parait excessivement soignée pour des réalisations artisanales.
Aïda Acoustics est un des régionaux de l’étape. Cette société polonaise propose des enceintes et des amplificateurs à tubes. Pour l’occasion, elle présentait son système modulaire très haut de gamme « Diavolo ». Cet ensemble de trois élements forme une enceinte semi-active 4 voies embarquant un DSP pour gérer les basses. On est ici dans du haut rendement (100 dB de sensibilité). Ces enceintes étaient ici associées au nouveau sommet de la gamme de DAC Lampizator, Horizon. Toujours un peu difficile de se faire une idée précise de l’efficacité de ce genre de système. Il était en tout cas beaucoup moins impressionnant que celui présenté sur le stand de Lampizator au Golden Tulipe.
Aretai est une marque d’enceintes originaire de Lettonie. Elle a été fondée par Jānis Irbe (en photo) et Edgars Zvirgzdiņš. Le système exposé était minimaliste mais permettait déjà de se faire une bonne idée du potentiel de ces enceintes, et notamment du moniteur Contra 100s, fonctionnant en dipole sur la partie grave médium (2 HP de 6 pouces), et un tweeter en forme d’anneau, entouré d’un pavillon.
C’est un coup de coeur pour une enceinte dont j’espère pouvoir explorer plus en détail les potentialités si elle débarque un jour dans nos contrées…
Equilibrium est une marque polonaise d’enceintes et de câbles, associée ici à la marque hexagonale Atoll pour l’occasion.
L’enceinte Evolta embarque 4 haut-parleurs (Eton modifiés pour le grave et SB Acoustics pour la section médium – aigu).
Difficile de se faire une idée précise du potentiel du système, mais le résultat était globalement plutôt équilibré et les dimensions de la pièce en fixaient sans nul doute les limites.
Audio GE faisait partie des systèmes les plus minimalistes du salon. Gediminas Racevicus (photo), le concepteur, est originaire de Lituanie. Le concept de fabrication repose sur la fabrication artisanale d’un cabinet solide et rigide, l’emploi des HP qualitatifs de chez Scan-Speak exclusivement, et de composants haut de gamme de chez Mundorf et Jantzen pour l’élaboration des filtres.
Pas de rocket science ici mais un travail de conception sérieux et des résultats corrects à l’arrivée, avec un grave articulé, profond, sans traînage, du moins à l’écoute de ce nouveau modèle baptisé « Teddy ».
Audio Phonique est une société polonaise fabricant des câbles et des électroniques. Le niveau de finition est superlatif, que ce soit en ce qui concerne les électroniques à tubes, que celles à transistor. Les enceintes étaient également badgées Audio Phonique bien que le fabricant ne les présente pas sur son site.
Un son assez chaleureux, et détaillé. Difficile de se faire une idée précise dans une pièce aux dimensions modestes et avec des enceintes d’une certaine stature, sans doute un peu trop à l’étroit. Mais cela vaut le coup d’essayer de découvrir cette marque plus en détail au regard du niveau de qualité affiché dans la conception de ces produits. A suivre…
Audioform est une autre marque d’enceintes polonaises. Ici le moniteur M100. Peu d’informations disponibles sur le net à part en polonais. Une écoute plutôt dynamique et vivante.
AvantGarde et ses nouvelles Trio G3. Pas de SpaceHorns ici mais des caissons 231 plus modestes et pas capables de faire la jointure sous 100 Hz avec les G3. L’amplificateur intégré d’Ayon est également sans doute un peu juste pour tenir les Trios. Bref, il ne suffit pas d’aligner une paire de Trio G3 pour atteindre l’excellence. Il faut le sous-bassement dans le grave à la hauteur de ces enceintes, et l’amplification (si on choisit le mode passif) capable de tenir ces haut-parleurs, malgré leur très haut rendement…
Closer Acoustics est la marque préférée du Maestro Adam Sztaba. Cette marque polonaise présentait le moniteur « Ogy » basé sur un large bande Fertin EMS LB5 (10 cm), montée dans une structure en acrylique. Côté amplification, Closer propose un intégré en 300B appelé « Provocateur », suffisant pour driver ses enceintes large bande. Une écoute assez naturelle, toute en douceur, et qui exploite bien les synergies entre enceintes et électroniques.
Constructeur incontournable en Pologne aujourd’hui, Cube Audio présentait l’ensemble de sa gamme, répartie entre le Radisson et le Golden Tulipe. Au Radisson, les « Jazzon » associées avec une amplification à tube et un DAC Lampizator.
Dyptique Audio arrive de fraîche date en Pologne et participe donc à sa première édition du Warsaw Audio Show, en compagnie d’électroniques italiennes.
Les enceintes Elfton Elevator viennent de République Tchèque. Ces deux voies sont plutôt convaincantes à l’écoute. Elles embarquent un tweeter à dôme en béryllium Blessa et un woofer grave médium Scan-Speak Ellipticor, dans une caisse de type TQWT. Associées à des électroniques asiatiques (Lumin P1 et blocs Mono Kinki Studio), elles ont fait preuve d’un son très ouvert, d’une belle dynamique, et de timbres plutôt naturels. Une bonne impression générale.
Spécialistes du travail du bois, les Polonais sont également présents dans le domaine de l’absorption acoustique avec la société Form At Wood. Cet hexagone en bois nommé « Hexago P-A » est modulable et peut servir de brique pour constituer des figures géométriques originales. Avec un poids unitaire de 4 kg, attention de ne pas le laisser en équilibre instable au dessus de vos précieuses électroniques !
Ancient Audio fait partie des inclassables. Bricoleurs de génie ou touches-à-tout expérimentés ? Ces polonais revendiquent en particulier une technologie propre appelée « Digital Speaker Processor » et permettant de booster la dynamique, le naturel, la tenue du grave, la focalisation et la taille de l’image stéréo de n’importe quelle paire d’enceinte… Cette technologie se concrétise d’après ce que j’ai pu comprendre en un seul appareil « Silver Control » faisant fonction de DAC, de processeur numérique, et de préamplificateur.
Parmi les nombreuses enceintes exposées, les « Vintage Ribbon » embarquent un 38 cm B&C retravaillé dans un gros litrage ainsi q’un ruban de médium aigu, capable de travailler sur une bande de fréquence extrêmement large : 800 Hz à 40 kHz !
Si ce système passera difficilement sous les fourches caudines de la plus complaisante des épouses, il faut lui reconnaître cette dynamique et ce réalisme assez exceptionnels.
JMR est également distribué en Pologne. Il était présent au Radissson en compagnie de grands classiques internationaux comme Innuos, Aqua Acoustic, et Kinki Studio. Ces sont les Equinoxes qui étaient en démonstration, et ma foi, j’ai toujours une aussi bonne impression chaque fois que j’écoute ces enceintes…
Encore un fabricant très versatile avec Lucarto Audio. La société polonaise Lucarto propose en effet un vaste panel d’électroniques (allant même jusqu’aux amplis casque) et d’enceintes. Les finitions sont séduisantes, alliant le métal, les résines, et les essences de bois. J’ai pris du plaisir à l’écoute du système principal (j’y suis retourné à trois reprises), et les moniteurs Ferro FR100 m’ont vraiment séduit. Les ébénisteries en frêne massif sont accordés comme un instrument (en l’occurence une guitare acoustique), le but étant d’obtenir un médium délicat, clair et aéré avec un aigu velouté et des graves dynamiques.
La structure interne de la colonne utilise un certain nombre de renforts transversaux. Chacun des haut-parleurs est placé dans une chambre spécialement conçue qui élimine la formation d’ondes stationnaires à l’intérieur du boîtier. Ces deux-voies utilisent un tweeter et un grave médium Illuminator de chez Scan-Speak.
Muzgaudio représente l’offre DIY du salon mise en application et en démonstration. Ce n’est pas la seule bien évidemment mais c’est celle qui m’a le plus enthousiasmé par son niveau de finesse et de réalisme. Le fondateur de Muzgaudio a travaillé 7 ans dans l’industrie automobile avant de monter son affaire de vente de composants audio prêts à l’emploi.
Le duo Focal / Mytek constituait peut-être la démo la moins exotique du Radisson Blu Sobieski. N’ayant jamais vraiment accroché aux produits Mytek, j’ai été néanmoins surpris, tout d’abord par le niveau de résolution et de qualité des timbres, puis par le prix du matériel proposé. En effet, Mytek a franchi une grande marche tarifaire en sortant son nouveau lecteur / DAC de la ligne Empire puisque celui-ci est commercialisé à 25.000 $ ! Les blocs mono sont du même acabit puisqu’ils coûtent 10.000 $ l’unité et embarquent les tous derniers modules Mytek Ganfet utilisant les transistors au Nitrure de Gallium ultra rapides. Avec les Focal Utopia ou les Wilson, cet ensemble constitue un monstre de précision et de définition.
Notte Sound Labs est une société polonaise encore discrète. Elle propose un set complet d’électroniques (DAC / Préamplificateur / Amplificateur) en format compact et empilables (coucou Cyrus). Les enceintes sont également une réalisation personnelle.
Au final, ce système fonctionne plutôt bien, fait preuve même d’une jolie musicalité, en offrant une écoute plaisir, beaucoup moins analytique que celle de Mytek évidemment !
Avec un look rappelant étrangement les enceintes allemandes Wolf von Langa, le Polonais Qualio propose une très jolie écoute, plaisante et relaxante, et des sons pleins et une belle articulation. C’est une de mes belles écoutes du Radisson. Ces enceintes 3 voies utilisent un tweeter Mundorf AMT débaflé, un médium SB Acoustic débaflé de 6,5 pouces et un woofer 10 pouces installé dans une ébénisterie très conséquente au regard de sa taille. Le prix de 5.500 € demandé pour la paire (prix de lancement a priori) me semble en tout cas ultra-compétitif.
Silent Pound est une marque d’enceintes lituaniennes. Le modèle exposé est conçu pour améliorer la réponse et la mise en phase de l’enceinte dans n’importe quel type de pièce en se basant sur une technologie line array de haut-parleurs disposant tous d’amorces de pavillon.
C’est une enceinte plutôt bien finie, mais les conditions acoustiques (bruit ambiant, passage…) ne m’ont pas permis de me faire une idée précise de l’intérêt de ce produit. Dommage…
Sky Audio fabrique des amplificateurs à tubes OTL. Les réalisations ont l’air soignées et la démo sur ces grosses Tannoy avait des réminiscences de musique d’antan mais avec la rapidité typique des montages OTL. Difficile de trouver beaucoup d’informations à ce sujet. Les amplificateurs sont fabriqués à la main sur commande, autant dire que le marché est totalement local.
Lumin / Westminster Lab / Trenner & Friedl : l’alliance de Hong Kong avec l’artisanat autrichien !
C’est un résultat particulièrement propre et rigoureux qui ressort de cet attelage. Les timbres sont très variés et d’une beauté rare.
Dommage que la programmation musicale de cette salle ne permette pas de se faire une idée précise des limites du système. L’utilisation du modèle Phi (conçu en fonction du nombre d’or), large bande étant quand même limité dans le grave, doit sans doute influencer les choix des démonstrateurs.
Quelque chose me laisse à penser néanmoins que celles-ci doivent être assez lointaines et qu’il y a énormément de potentiel dans ce système. A suivre ?
Terminons ce premier épisode dédié au Radisson Sobieski avec un fabricant de cordons secteur, WK Audio. Pour une fois, le fabricant n’hésitait pas à rebrancher et débrancher son cordon en alternant avec un câble standard pour illustrer l’apport de ses réalisations. Assez convaincant même si la qualité des matériaux employés fait que son haut de gamme (plus de 4.000 €) ne s’adressera pas à toutes les bourses. Les apports sur l’image, la focalisation, la dynamique, ne se sont pas faites au détriment de la qualité des timbres, comme c’est souvent le cas malheureusement. Une jolie démonstration, pleine de bon sens et d’humilité.
Merci pour ce retour très intéressant qui met en avant les productions locales. Ca donne juste envie d’aller jusqu’au fond de la Lituanie pour découvrir ces artisans.. y a plus qu’à !!
Merci pour ce beau reportage, dévoué et opportun. Un bon teaser pour le petit salon de la HiFi de Bruxelles ce week-end ! Cordialement, s.