Achetez des disques !
Le monde de la culture et de la musique a été mis entre parenthèses depuis maintenant un an.
Des initiatives ont été prises pour éviter de laisser un vide total, et quelques retransmissions de spectacles et concerts, sans, ou avec très peu de public, continuent d’être organisées en pointillé.
En parallèle, des appels à la solidarité ont lieu sur les réseaux sociaux et permettent d’élargir la prise de conscience que ce monde de la musique va mal, extrêmement mal en fait, via de nombreux témoignages d’artistes. Une fois le constat effectué, que fait-on alors ?
C’est la question fondamentale, d’autant plus que cette période compliquée n’est finalement qu’un catalyseur d’un mal bien plus profond, qui ne remonte pas seulement à un peu plus de douze mois…
La réponse est d’une grande simplicité : il suffit d’acheter des disques. Ce n’est en effet pas l’abonnement de streaming familial ou individuel qui va aider la grande majorité des musiciens à vivre de leur profession, et ce n’est pas non plus en cliquant sur un « like » qu’on va les soutenir. Si vous croyez cela, alors vous faites complètement fausse route, ou vivez dans l’abstraction la plus totale…
Pire, vous cautionnez l’assimilation du monde de la musique à celui du consumérisme de masse. Pourtant, il y a des biens de consommation courante qui font vivre très grassement certains industriels.
Mais ce n’est malheureusement pas le cas des musiciens, sauf ceux peut-être qui profitent de leur notoriété pour vendre des produits cosmétiques à l’instar de la chanteuse barbadienne Rihanna… un épiphénomène et un bien sordide destin artistique.
Beaucoup de musiciens ne bouclent les fins de mois difficiles qu’avec les droits d’auteurs et la scène, qui prend d’ailleurs une place de plus en plus prépondérante puisque les ressources provenant directement des enregistrements sont de moins en moins importantes.
Un disque, c’est pourtant l’œuvre d’art la plus accessible et la plus captivante. Pourquoi alors ne préservons-nous pas ce formidable vecteur d’émotion et de culture ? La dématérialisation est meilleure ? Vous n’avez plus de lecteur CD ?
Alors achetez un graveur de DVD pour le prix d’un misérable CD et rippez vos prochains achats ! Il en va de notre patrimoine culturel, il en va de la diversité, il en va même de notre humanité, de ce qui nous sépare des autres mammifères.
Bref, il serait grand temps de réagir en dehors des réseaux sociaux mais dans la vraie vie, celle où les émotions ne sont pas forcément éphémères, et où les efforts et le talent méritent salaire et sont généralement récompensés.
ACHETEZ DES DISQUES !
Des disques, oui, mais pour combien de temps encore?
Le parcours « standard » d’un(e) artiste pouvait encore récemment plus ou moins ressembler à ça:
– scène
– intérêt d’une maison de disques
– enregistrements de disques qui constituent une partie des revenus et de son marketing pour attirer des gens aux concerts
Certes, aujourd’hui, la première étape peut avoir lieu ailleurs que sur une scène ou lors d’un concours, sur YouTube notamment où le nombre de personnes potentiellement atteintes est gigantesque par rapport à une scène, mais où aussi le nombre « d’enregistrements » disponibles peut noyer les pépites au milieu d’un nombre incommensurable de cochonneries.
Comme l’a rappelé Joël dans cet éditorial, streaming et consumérisme de masse ne permettent à aucun artiste de percevoir quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un revenu.
Alors, achetez des disques, oui, mais…
J’ai découvert assez récemment un excellent pianiste, à la fois techniquement mais aussi et surtout musicalement . Je l’ai trouvé sur YouTube tout à fait par hasard, YouTube me l’ayant proposé en fonction de mes écoutes/visualisations précédentes: Alexander Malofeev.
Il a été « enfant prodige », lauréat de concours internationaux, invité notamment au Festival de La Roque d’Anthéron.
Pour me faire une idée plus complète sur ce pianiste, j’ai écouté ses autres YouTube, Mozart, Poulenc, Gershwin, Rachmaninov, Liszt… Et cela m’a beaucoup plu, notamment le second concerto de Rachmaninov.
J’ai alors cherché ses enregistrements, mais je n’ai trouvé qu’un DVD et un CD du premier Concerto de Tchaikovsky, CD que j’ai acheté sur Qobuz pour 3.99€. J’en ai fait une « critique » ici…
Bigre! Un tel talent, et pas plus d’albums.
J’ai alors essayé de me mettre à sa place: pourquoi enregistrer des albums aujourd’hui?
– Cela coûte cher.
– Cela ne rapporte plus rien
– Une critique « moyenne », et vous êtes « mal »
Quel intérêt d’enregistrer des albums quand la viralité de Youtube amènera plus surement et en plus grand nombre du public à vos concerts?
Il y quelques années, au moment où le streaming prenait son envol, j’avais écrit un éditorial au sujet des maisons de disques qui devaient nécessairement se réformer (frais de structure, modèle économique, place des artistes)
Les artistes sont peut-être en train de les réformer d’une manière radicale: Youtube pour rencontrer le public et lui donner envie de venir à ses concerts. Dans ce modèle, les maisons de disques disparaissent. Les disques aussi.
Aujourd’hui les capitaines de l’industrie de la musique enregistrée (le terme édition discographique n’étant plus adapté à la production musicale publiée par ces entreprises ), après avoir rêvé du tout au téléchargement, ne voient l’avenir que dans le streaming. On le comprend, car la dématérialisation leur ferait réaliser une importante économie d’échelle: plus d’imprimerie, de pressage, de stockage, de coûts d’expédition, etc..
Mais voila, patatrac, le support à la vie dure. Quelques trente ans après l’arrivée du CD, le 33t, appelé de nos jours vinyle, occupe la première place des rayons variétés des disquaires. 40 Ans après son lancement au Festival de Salzbourg par Sony avec le soutien d’Herbert von Karajan, le CD n’est toujours pas mort.
Vu le cout de conservation des données, l’offre de musique classique s’appauvrit de jour en jour sur des site tel Youtube. Elle ne suscite pas assez de « like » et « clic » pour attirer la publicité. Dès que la mode du streaming diminuera, toute mode n’étant pas éternelle, on assistera probablement à un phénomène similaire sur les plateformes. En numérique, seul survivront les succès de masse.
Il est donc pas impossible d’imaginer dans les années futures que la musique enregistrée marchera sur deux jambes:
– Le physique pour la culture
– Le numérique pour le loisir de masse.
Pour en venir à la conjoncture, tout au long de ces longs mois de fermetures des lieux de spectacle et salles de concert, il est regrettable que les médias n’aient pas consacré plus de place aux nombreux enregistrements qui continuent de paraitre et qui contribuaient à maintenir une actualité musicale, ce qui aurait été propice aux musiciens.
voir aussi son Rach 3 sur https://www.youtube.com/watch?v=SCHg9tup9NA
pour le reste, il n’y a (malheureusement) rien en CD..
Les disques… Oui, mais. Il me semble que c’est beaucoup d’argent (dans le contexte technique d’aujourd’hui) pour fabriquer des supports physiques, les acheminer, les réacheminer quand ils sont invendus, rémunérer la distribution… Et encore, on évite l’aberration propre au monde des livres papier, où l’éditeur doit payer pour passer au pilon les forts nombreux invendus.
Pour rémunérer décemment les artistes, je préfère me tourner vers des initiatives qui me semblent plus modernes, comme BandCamp par exemple.
Au fait, l’artiste touche combien pour un CD vendu ? 😉
La répartition des revenus sur la vente de CD était la suivante en 2019
A comparer au streaming
Dans l’éditorial, il me semble être question de l’achat d’albums, CD ou « dématérialisés », par opposition au streaming!
Ah, on ne doit pas avoir les mêmes lunettes alors 😉
(dixit JC : « Alors achetez un graveur de DVD pour le prix d’un misérable CD et rippez vos prochains achats ! »
Oui, l’opposition au streaming ne m’a pas échappé. Mais mon point précisément est qu’il faut faire le distinguo entre streaming et dématérialisation. Il n’y a pas de fatalité à ce que dernière option (qui l’emportera, c’est évident) lèse les artistes.
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